Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

Marché commun

L'Europe dans la tourmente

L'Europe a dû affronter une crise interne grave suscitée par l'attitude de la Grande-Bretagne pendant une période de tensions internationales. Si les acquis communautaires essentiels ont été préservés, la Communauté a peu progressé, remettant à plus tard la révision de sa politique agricole et le renforcement de son système monétaire (SME). Elle a, tant bien que mal, continué à organiser le repli de sa sidérurgie.

La CEE a poursuivi à petits pas les négociations avec l'Espagne et le Portugal. Elle s'est mieux affirmée comme grande entité commerciale que comme force politique participant au renouvellement de l'accord textile international, s'efforçant de faire fléchir le protectionnisme japonais plutôt que de céder elle-même à la tentation du repli, dénonçant vigoureusement la politique économique et monétaire déstabilisée des États-Unis.

Mais l'Europe a pris des risques très limités face aux grands foyers de tension internationale : Pologne, Malouines, Proche-Orient. L'appui politique donné aux syndicalistes polonais de Solidarité n'a pas été jusqu'à la faire renoncer au gaz soviétique. Les sanctions contre l'Argentine ont été assorties d'un appui aux tentatives de solutions diplomatiques au conflit des Malouines. Les Dix ont manifesté leur souci de voir s'achever l'évacuation du Sinaï sans plus. Une démarche commune en faveur du Liban a été tentée au conseil européen au sommet de Bruxelles, fin juin.

De nouvelles étapes institutionnelles significatives n'ont pas été franchies. Un mémorandum français de relance européenne et un plan Genscher-Colombo de relance de l'union politique ont bien été déposés, mais à peine discutés. Les rares idées neuves ont été lancées par la France : création d'un espace social européen, nouvelle organisation monétaire tripolaire (Europe-USA-Japon).

Comme chaque année, l'Europe a préservé l'essentiel, à coups de compromis. La seule satisfaction qu'elle en tire est d'éviter toute cassure. La volonté politique d'union est faible, mais il n'y a pas de volonté de désunion. C'est déjà un facteur positif, dans la tourmente mondiale.

Piet Dankert successeur de Simone Veil

C'est un socialiste néerlandais, Piet Dankert, qui a été élu président de l'Assemblée européenne, le mardi 19 janvier 1982 a Strasbourg, au 4e tour de scrutin. Il succède ainsi à Simone Veil, présidente de l'Assemblée depuis l'élection des parlementaires européens au suffrage universel direct en juin 1979. Né en 1934 à Sties (Pays-Bas), d'abord enseignant, Piet Dankert milite au parti du travail avant de siéger au bureau de l'Internationale socialiste. Député de 1968 à 1981, il préside dans son pays la commission des Affaires étrangères. Il est mêlé alors à l'« affaire Dassault », impliquant un représentant de la firme française soupçonné d'avoir exercé des pressions pour que les Pays-Bas choisissent le Mirage de préférence aux F-16 américains. P. Dankert était membre du Parlement européen depuis 1977 et vice-président en 1979. Il a montré sa pugnacité et sa volonté d'affirmer les prérogatives budgétaires de l'Assemblée de Strasbourg en faisant voter, en 1980, un amendement (dit Dankert) rejetant le budget de la CEE tel qu'il avait été élaboré par la Commission des Communautés européennes. Objectif du nouveau président : rapprocher l'Assemblée européenne des Parlements nationaux et des opinions publiques des pays membres de la Communauté européenne avant les prochaines élections européennes de 1984. À propos de ce renouvellement, l'Assemblée s'est prononcée le 10 mars 1982, par 158 voix contre 76 et 27 abstentions, en faveur d'un scrutin uniforme, proportionnel et régional. La décision finale appartient au Conseil.

Les négociations avec Espagne et Portugal

L'adhésion du Portugal et de l'Espagne à la CEE demeure théoriquement prévue pour le début de l'année 1984. Les négociations destinées à préparer cet élargissement, qui n'avaient guère progressé depuis les demandes d'adhésion de ces deux pays, se sont déroulées à un rythme plus soutenu. Plusieurs chapitres de ces négociations ont pu être menés à bien avec le Portugal : mouvements de capitaux, transports, politique régionale, Euratom, politique économique et financière (sauf l'inclusion de l'escudo dans le SME). Des progrès notables ont été enregistrés au sujet de l'union douanière industrielle, la CECA, les relations extérieures et la fiscalité. Restent cependant les dossiers les plus délicats : agriculture, pêche, social, droit d'établissement des entreprises, introduction de l'escudo et de la peseta dans l'ÉCU. Avec l'Espagne, la négociation bute sur des difficultés d'une grande ampleur. L'échéance de 1984 risque fort de ne pas être tenue.

Crise

La crise mondiale continue de peser de tout son poids, suscitant de nombreuses incohérences : mouvements erratiques du dollar, flambée des taux d'intérêt, baisse des cours des matières premières. Le seuil des dix millions de chômeurs est franchi, provoquant des divergences d'appréciation importantes entre les pays membres sur la meilleure façon de résoudre le problème. La France est, à cet égard, la seule à placer jusqu'au 12 juin 1982, la lutte contre le chômage avant la lutte contre l'inflation, dont la Grande- Bretagne et l'Allemagne fédérale se sont fait les champions.