Élaboré en septembre 1981, avec l'idée de créer « une véritable rupture avec le modèle existant », le rapport de Jean Auroux, ministre du Travail, sur les droits nouveaux des travailleurs, donne naissance, après avis du Conseil économique et social, à quatre projets de loi que l'Assemblée nationale examine lors de sa session de printemps 1982.

Conventions collectives

Le ministre du Travail veut autant que possible substituer le contrat au conflit, c'est-à-dire relancer sur des voies nouvelles la politique contractuelle. Ce texte modifie les lois du 11 février 1950 et du 13 juillet 1971 sur les conventions collectives. Dans chaque branche d'activité, une négociation devra intervenir au moins une fois tous les ans sur les salaires et au moins une fois tous les cinq ans sur les classifications. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, employeurs et représentants du personnel seront tenus de négocier (sans obligation de résultat) tous les ans sur les salaires, la durée du travail et l'organisation du temps de travail. Des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles seront également instaurées pour servir — principalement aux salariés, souvent peu syndicalisés, des entreprises de moins de 11 salariés — d'instances de recours, notamment pour l'application des accords collectifs.

La Commission supérieure des conventions collectives transformée en Commission nationale de la négociation collective devra établir un bilan annuel de la négociation collective et passer d'un rôle relevant plus de la chambre d'enregistrement à un rôle de proposition pour faciliter les négociations tout en suivant l'évolution des salaires minimums et réels.

Deux organisations syndicales ou professionnelles pourront s'opposer à l'extension d'une convention collective à des entreprises non adhérentes à une organisation patronale signataire, mais le ministre du Travail, après enquête et avis de la Commission nationale, pourra passer outre à ce veto et procéder à l'extension de la convention.

Par ailleurs, si un accord d'entreprise déroge à des dispositions conventionnelles ou législatives, il ne peut entrer effectivement en vigueur si un ou des syndicats, représentant au moins 50 % des salariés inscrits aux dernières élections professionnelles, s'y opposent. Enfin, les procédures de médiation dans les conflits collectifs du travail sont renforcées, le ministre du Travail pouvant en prendre l'initiative.

Libertés des salariés

Le pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise n'est pas remis en cause, mais son utilisation plus ou moins discrétionnaire est placée sous un relatif contrôle. S'il reste obligatoire pour les établissements d'au moins vingt salariés, le règlement intérieur ne devra plus contenir de clause contraire aux principes généraux du droit. Les salariés devront être informés par écrit des griefs dont ils feront l'objet et pourront recourir aux représentants du personnel et à l'Inspection du travail.

Le projet de règlement intérieur devra lui-même être soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Dans les entreprises d'au moins 200 salariés, le droit d'expression des salariés sur leur travail, et pendant le temps de travail, est introduit. Cette introduction se fera d'abord à titre expérimental. Employeurs et représentants du personnel devront négocier cette expression, autour du groupe ou de la cellule de travail (ce qui permettra la création de Conseils d'atelier ou d'Unités de dialogue), dans les entreprises d'au moins 200 salariés, dans un délai de six mois à partir de la promulgation de la loi.

Au terme d'une phase d'expérimentation de deux ans, les comités d'entreprise dresseront le bilan de cette expérience, et le gouvernement présentera un rapport au Parlement avant le 31 décembre 1984. D'ici au 31 décembre 1985, le gouvernement pourra étendre par décret cette obligation d'expression.

Représentation du personnel

Des moyens accrus seront accordés à ces institutions :
– crédit de dix à vingt heures par mois pour le délégué syndical suivant la taille de l'entreprise avec droit de circulation dans l'entreprise ;
– renforcement du rôle économique du comité d'entreprise avec recours à des experts extérieurs comme lors de l'examen annuel des comptes (mais aussi en cas de licenciement pour raisons économiques) et formation économique accrue pour les membres du comité d'entreprise ;
– constitution obligatoire d'une commission économique dans les entreprises de plus de 1 000 salariés ;
– possibilité pour les organisations ouvrières, en fonction de leurs résultats électoraux, d'avoir un délégué syndical cadre ;
– création de comités de groupe.

Hygiène et sécurité

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, dans le but de « fournir un cadre adapté à l'intervention des travailleurs dans un domaine qui les concerne au premier chef », un texte de loi propose de faire fusionner les commissions chargées de l'amélioration des conditions de travail avec les comités d'hygiène et de sécurité. Les attributions de cette commission seront ainsi plus étendues :
– consultation préalable avant tout aménagement modifiant les conditions de travail ;
– possibilité accrue de procéder à des inspections et à des enquêtes ;
– un droit de retrait serait accordé aux salariés en cas de situation dangereuse. Ils pourraient alors refuser de travailler sans perte de salaire.

Contrats de solidarité

Dans le cadre de son dispositif pour aider à la création d'emplois, le gouvernement propose aux entreprises la conclusion de contrats de solidarité. Des ordonnances confèrent une valeur législative à deux des trois formules proposées aux employeurs, dans le cadre d'accords conclus entre les partenaires sociaux à l'UNEDIC (assurance-chômage). L'État accorde son aide aux entreprises qui acceptent de réduire la durée du travail plus fortement qu'en suivant le rythme national, ou qui proposent des préretraites volontaires (à temps plein ou à mi-temps) au-dessous de 60 ans ou exceptionnellement à partir de 55 ans. Cependant, cette aide, sous forme d'une allocation de ressource, pour les préretraités ou d'exonérations de charges sociales pour les salariés recrutés à la suite d'une diminution du temps de travail, est subordonnée à l'embauche de certaines catégories de demandeurs d'emploi (jeunes de moins de 26 ans, femmes seules, chômeurs indemnisés ou ayant épuisé leurs droits à indemnisation).

Travail temporaire

L'ordonnance du gouvernement a quatre objectifs : définir un cadre limité de recours au travail temporaire ; rapprocher le statut du salarié temporaire de celui du salarié permanent qu'il remplace ; assurer une meilleure régulation de l'emploi précaire ; renforcer les sanctions pour non-respect de la réglementation. Par rapport à la loi du 3 janvier 1972, les motifs de recours au travail temporaire sont limités : absence temporaire ou suspension du contrat de travail d'un salarié ; survenance de la fin d'un contrat de travail dans l'attente de l'entrée d'un salarié permanent ; travaux urgents pour prévenir des accidents imminents ; survenance d'un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité. Les contrats de travail temporaire sont limités à une durée de 6 mois sans renouvellement ou prolongation possible sauf pour les recours justifiés par l'absence temporaire d'un salarié.

Le Plan avenir jeunes

Harcelé par le temps — les nouvelles dispositions doivent être opérationnelles avant la rentrée de septembre 1981 —, le gouvernement Mauroy ne soumet au Parlement, dès la session de juillet 1981, que peu de modifications par rapport aux pactes pour l'emploi des jeunes des précédents gouvernements. Le pacte est aménagé sur quelques points et change de dénomination, devenant le Plan avenir jeunes. L'embauche de jeunes avec exonération à 50 % des cotisations patronales de sécurité sociale est maintenue, la garantie d'emploi de l'embauché étant portée de 6 mois à un an.