Éducation

Concertation générale pour trouver des solutions

Pour la majorité des enseignants, la victoire de la gauche, à l'élection présidentielle de mai 1981, puis aux législatives, est une divine surprise. Depuis des années, ils n'ont cessé de lui apporter leurs voix et leur soutien. Symbole de cette alliance entre les enseignants et la gauche : l'élection de 132 enseignants sur les 283 députés socialistes à l'Assemblée nationale.

Satisfaction

Les syndicats de l'enseignement, souvent proches du PS et parfois du PC, ne manquent pas de célébrer le succès. Le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) se félicite du « puissant mouvement populaire » ; le Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN-CFDT) « salue la victoire de François Mitterrand », qualifiée de « succès historique ». Même son de cloche au Syndicat national des instituteurs (SNI). Envolée la grogne, la suspicion qui n'a cessé, pendant vingt ans, d'empoisonner les relations entre les enseignants et le gouvernement, toujours soupçonné de vouloir « démanteler » l'enseignement public, même quand — à la manière de René Haby, ministre de l'Éducation de 1974 à 1978 — il reprenait à son compte des thèmes syndicaux comme celui du collège unique.

Le gouvernement montre effectivement très vite son attachement à l'éducation, et le nouveau ministre de l'Éducation (redevenue nationale), Alain Savary, réalise rapidement certaines promesses faites par le PS et par François Mitterrand avant son élection. Avant tout, il ne lésine pas sur les moyens : 12 000 postes d'enseignants créés à la rentrée 1981 par un collectif budgétaire voté pendant l'été — plus que n'en avaient accordé les quatre budgets précédents réunis —, 17 000 au budget 1982 (contre 3 000 dans celui de 1981). De quoi, certes, « enrayer la dégradation continue observée au cours de la période récente », selon les termes d'Alain Savary. Un effort qui profite pratiquement à égalité à l'enseignement primaire et à l'enseignement secondaire.

Le ministère s'applique à donner satisfaction à plusieurs des revendications syndicales avant l'automne : suppression des obligations de présence imposées aux directeurs d'école primaire en cas de grève des instituteurs ; rétablissement des heures d'animation du sport scolaire pour les professeurs d'éducation physique (et intégration partielle dans leurs obligations de service) ; abrogation de la loi Sauvage de 1980, qui accroissait le pouvoir des mandarins dans les conseils des universités ; réexamen des habilitations accordées aux universités pour la préparation des diplômes nationaux, rétablissant de nombreuses formations supprimées par Alice Saunier-Seïté en 1980, enfin promesse de reprendre à la rentrée tous les maîtres auxiliaires employés en 1980-1981 et annonce d'un plan de titularisation...

Doublettes

En même temps, le ministère a entrepris une politique de négociation tous azimuts pour chaque mesure avec les différentes organisations concernées. À travers ces négociations, Alain Savary espère non seulement changer le climat, mais modifier peu à peu le paysage de l'enseignement. Ainsi, les postes accordés pour la rentrée 1981 doivent l'être avant tout en fonction de besoins prioritaires et non redistribués partout.

Cet objectif n'est que partiellement atteint : les dotations nouvelles accordées réveillent les appétits, et chacun se veut prioritaire. Malgré les moyens accordés, la rentrée comporte nombre de bavures : maîtres manquants ou non remplacés, non-réouvertures de classes qui déçoivent les espoirs. Ici ou là, on constate autant de mouvements de mécontentement local (grèves, manifestations) que les années précédentes, et même une manifestation de plusieurs centaines de maîtres auxiliaires qui défilent à Paris le 23 septembre. Le SGEN-CFDT se demande si « la rentrée 1981 n'est pas une rentrée comme les autres ».

La hâte avec laquelle le ministère veut créer des postes entraîne des résultats paradoxaux ; pour concilier le souci de former les nouveaux enseignants et en même temps de les employer tout de suite, on a recours au système des « stages en responsabilité » : les nouveaux agrégés et certifiés doivent huit à onze heures d'enseignement par semaine ; dans l'enseignement technique, les stagiaires associés en paires se remplacent tous les trois mois ; quant aux professeurs d'enseignement général de collège (PEGC), ils alternent toutes les six semaines. Ils sont 6 900 maîtres qui alternent chaque mois dans des classes. Ce système de doublettes ne fait pas, on s'en doute, l'affaire des élèves, qui voient des enseignants se succéder à un rythme accéléré ; le système suscite des protestations de parents.