Ce schéma ne laissait isolé que le petit chantier du Havre (1 000 personnes avec son établissement de La Rochelle).

Il était devenu urgent de définir une politique de rapprochement dans ce secteur en déclin, qui a vu sa production tomber de moitié depuis 1975, a perdu 7 000 emplois dans le même temps, travaille à 60 % de ses capacités et s'affirme chaque année comme l'une des industries les plus budgétivores (1,6 milliard de F de subventions prévues pour 1982).

Les crises, toutefois, ne se règlent pas d'un coup de plume ministérielle. Et l'on ne peut juger encourageante pour l'avenir de nos chantiers l'évolution récente de l'environnement économique international. Loin de diminuer, la surcapacité mondiale du tonnage des flottes marchandes s'est encore sensiblement aggravée en 1981, la demande globale de trafic baissant fortement (– 6 %) face à une flotte quasiment stable.

Effondrement

Le tonnage des navires désarmés a presque triplé en deux ans (55 millions de tonnes), les armateurs ont vu s'effondrer à nouveau le niveau des frets, loin au-dessous de leurs coûts.

Conséquence : le prix des navires a baissé sur les marchés de l'occasion et même pour certaines constructions neuves. Après une amélioration passagère, le carnet de commandes mondial s'est remis à diminuer dans les derniers mois de 1981. Si quelques pays constructeurs tirent leur épingle du jeu grâce à leurs pratiques économiques particulières (Corée du Sud, Chine populaire, Pologne, Brésil), la plupart des autres sont touchés, à commencer par le no 1 mondial : le Japon, en baisse de près de 9 %.

Quant aux chantiers français, leur situation s'est relativement détériorée, puisqu'ils passent du neuvième rang mondial au treizième pour le niveau de leurs commandes (et au quinzième pour la production).

Globalement, la baisse de leur carnet a atteint 23 % en l'espace d'un an ; elle est toutefois moins préoccupante (– 10 %) si l'on calcule en tonneaux de jauge brute pondérée, qui traduisent mieux le nombre d'heures de travail à réaliser.

Le début de l'année 1982 n'apportant aucun redressement, il apparaissait clairement que, pour la « consolidation et l'expansion » des activités maritimes annoncées par le gouvernement, la France ne pouvait compter que sur ses seules forces, et qu'il allait lui falloir beaucoup d'énergie pour ramer à contre-courant.

Agriculture

La détérioration constante des revenus provoque des tensions

2 juillet 1981 : le changement s'installe. Issue des élections législatives des 14 et 21 juin, la nouvelle Assemblée nationale ouvre ses travaux. Quelques jours auparavant, Pierre Mauroy, Premier ministre, a remanié son gouvernement. Edith Cresson, élue député dans la Vienne, conserve le portefeuille de l'Agriculture. C'est la première femme à exercer cette responsabilité, à la surprise un peu ironique des états-majors des organisations agricoles.

Son premier acte est politique : elle ouvre les portes de son ministère à des organisations paysannes qui jusqu'alors n'y étaient pas reçues. Des organisations que François Guillaume, le président de la puissante FNSEA qui se targue de rassembler 700 000 adhérents, qualifie de politico-syndicales. Et dont il conteste la représentativité.

Le vent des réformes souffle, bien sûr, au ministère de l'Agriculture comme ailleurs. Édith Cresson ne manque pas une occasion d'affirmer qu'elle entend mener une politique agricole conforme au « projet socialiste pour l'agriculture ». Un projet dont deux des principaux éléments — la réforme foncière et la création d'offices par produits pour renforcer l'organisation des marchés — doivent être soumis au Parlement en 1982. En attendant que ces projets s'élaborent, le ministre se trouve confronté à des difficultés ponctuelles : au cours de l'été, viticulteurs et producteurs de fruits et légumes entrent en effervescence. Et tout le midi de la France est le théâtre de manifestations paysannes. Les causes de ces remous n'ont rien d'exceptionnel. Elles se répètent année après année. Les viticulteurs s'insurgent contre les importations de vins italiens à bas prix, qui pèsent sur les cours français. Les producteurs de fruits et légumes protestent contre les importations en provenance d'Italie et de Grèce, qui désorganisent leurs marchés déjà saturés, durant la période estivale.