Par un processus encore inconnu, un fragment de ce plasmide s'incorpore naturellement au patrimoine génétique des cellules infectées. Il est donc possible, grâce au génie génétique, de lui adjoindre un gène étranger utile, qui est intégré en même temps que lui.

Reste un problème : les cellules modifiées sont cancéreuses. Mais une équipe belgo-allemande a montré que des cellules cancéreuses infectées par la bactérie Agrobacter tumefaciens peuvent régénérer, par culture de tissus, des plants sains et fertiles. On peut ainsi obtenir des espèces au patrimoine transformé, économiquement utiles. Toutefois, avec cette bactérie, le rendement de régénération in vitro est faible. L'équipe de J. Tempé, à l'INRA de Versailles, utilise une espèce bactérienne voisine, Agrobacter rhizogenes, dont le plasmide s'incorpore, lui aussi, au stock génétique des plantes supérieures et permet une régénération des plantes qui est beaucoup plus efficace.

L'année Darwin remet le darwinisme en question

Selon la tradition qui veut qu'on commémore les grands hommes un siècle après leur naissance ou après leur mort, 1982 a été pour les biologistes l'année Darwin.

L'auteur de L'origine des espèces et de La descendance de l'homme s'est éteint le 18 avril 1882, laissant une œuvre qui a profondément marqué notre compréhension de la diversité des organismes vivants et de l'apparition sur la Terre de notre propre espèce.

La réédition d'ouvrages de Darwin (dont deux traduits en français), la réunion, dès le mois d'octobre 1980, d'un important colloque à Chicago, puis d'un autre à Berlin en avril 1981, une série d'études, souvent polémiques, publiées en 1981 et 1982 dans divers journaux et revues témoignent d'un bouillonnement intellectuel qui dépasse les rites d'un anniversaire. Celui-ci se situe, en effet, à un moment crucial de l'histoire des théories de l'évolution : ces théories continueront-elles de s'inscrire dans le cadre du néodarwinisme ou sont-elles en train d'en sortir ?

Une simplification abusive confond parfois darwinisme et évolutionnisme. L'idée que les espèces animales et végétales sont issues les unes des autres par transformations successives a été avancée, bien avant Darwin, par son propre grand-père Érasme Darwin et, en France, par Lamarck.

Personne aujourd'hui ne la met en doute, sinon les fondamentalistes américains qui s'appuient sur une interprétation littérale de la Bible : le monde a été créé en six jours, avec les espèces telles que nous les connaissons, et l'homme ne descend pas d'une lignée animale. Après avoir réussi à imposer dans plusieurs États l'obligation pour les enseignants de consacrer un temps égal au créationnisme et à l'évolutionnisme, les fondamentalistes ont essuyé un échec en janvier 1982. Un juge fédéral, se fondant sur le principe constitutionnel de la séparation de la religion et de l'État, a abrogé la loi votée en 1980 en Arkansas. Un nouveau procès est en cours en Louisiane.

Sélection naturelle

Le problème qui demeure au centre du débat n'est pas la réalité de l'évolution, mais la nature des mécanismes qui la déterminent. Pour Darwin, ces mécanismes étaient d'abord la variation, qui fait apparaître des changements individuels au sein d'une population, ensuite la sélection naturelle, grâce à laquelle les individus porteurs des caractères les mieux adaptés à la lutte pour la vie survivent préférentiellement aux autres et transmettent leurs caractères à leurs descendants.

Ainsi se constituent de nouvelles races, de nouvelles variétés qui, progressivement, acquièrent le statut d'espèces nouvelles.

Ces notions ne sont pas non plus l'œuvre exclusive de Darwin. Dans une large mesure, le concept de lutte pour la vie est inspiré de Malthus. Mais Darwin a fait de la sélection naturelle une doctrine structurée, d'autant plus convaincante qu'il pouvait l'illustrer des nombreuses observations qu'il avait accumulées au cours de sa croisière de cinq années à bord du navire scientifique Beagle.

Cependant, l'état des connaissances ne permit pas à Darwin d'apporter une réponse claire à deux questions fondamentales : quelle est la cause des variations, et comment deviennent-elles héréditaires ?

Néodarwinisme

À l'époque où Darwin écrivait, le moine Mendel avait déjà trouvé les premières lois de l'hérédité, mais ses travaux devaient n'être connus que plus tard. Le développement de la génétique a ruiné deux hypothèses acceptées par Darwin : l'hérédité de caractères acquis par l'individu grâce à l'usage des organes (hérédité lamarckienne) et l'hérédité intermédiaire, les caractères des deux parents se mélangeant à parts égales comme deux liquides.