Les deux Américains ayant eu l'imprudence (on pourrait même dire la légèreté) de publier leur prévision dès le mois de mai 1980, l'émotion a été considérable dans la population péruvienne. De riches Liméniens sont partis pour l'étranger ou pour la province avant la période fatidique ; d'autres ont fait des provisions de précaution. Mais la plupart n'ont rien pu faire, étant trop pauvres pour stocker conserves ou eau en bouteilles. Quelques exercices d'évacuation ont été faits sous le contrôle des autorités ; ce qui a révélé que la quasi-totalité des locaux publics ou privés ne sont pas conformes aux exigences de la sécurité et que la panique et la pagaille seraient énormes en cas de catastrophe.

Cette fausse prévision a eu au moins une utilité : elle a montré qu'il est impossible actuellement de prévoir un tremblement de terre. C'est d'ailleurs ce qu'avait précisé, le 28 janvier 1981, le Conseil national (américain) d'évaluation des prévisions sismiques. Créé en août 1979 et réuni pour la première fois à l'occasion de la prévision concernant Lima, le Conseil avait dénié à celle-ci toute valeur scientifique et regretté que « cette prévision basée sur des faits aussi spéculatifs et vagues ait été largement crue en dehors des milieux scientifiques ». Cet avis, apparemment, a été sans effet sur la population péruvienne et même sur les étrangers : le tourisme aurait baissé de 25 % au Pérou dès le premier trimestre de 1981.

Les sismologues du monde entier travaillent pourtant, depuis une douzaine d'années, sur la prévision des tremblements de terre. Ils ont cru en toute bonne foi vers 1976 que la prévision sismique serait bientôt possible. Les choses se sont révélées beaucoup plus compliquées qu'on ne croyait. On n'est plus sûr du tout d'être capable, un jour, de prévoir les séismes. Même les sismologues japonais, dont le pays est l'un des plus menacés du monde, sont très prudents : pour eux, ce serait déjà un énorme succès si on arrivait, dans un avenir plus ou moins lointain, à prévoir 30 à 40 % des tremblements de terre.

Signes

On a repéré les zones sismiques. Mais une chose est de connaître les régions susceptibles de trembler et une autre chose est de prévoir la localisation, la magnitude et le moment d'un séisme à venir.

Certes, il est quelquefois possible de calculer avec une exactitude acceptable la localisation et la magnitude approximatives d'un prochain tremblement de terre. Certains segments de zones connues pour leur sismicité sont calmes : il y a une lacune (gap, en anglais) dans l'activité sismique normale. Et il est logique de penser que ce segment sera le premier à subir un violent tremblement de terre. De même, plus longtemps aura duré ce calme, plus violent risque d'être le futur séisme. Mais on ne peut pas dire quand il se produira.

On pourrait imaginer de mettre sous surveillance étroite les régions où des gaps ont été repérés. Souvent, en effet, les grands séismes sont précédés de signes précurseurs (reconnus, hélas, en général comme tels après la catastrophe) : déformation superficielle du sol ; variations de la vitesse de propagation des ondes sismiques dans le sous-sol ; variations du champ magnétique local, de la valeur locale de la pesanteur, de la résistivité du sol, du niveau d'eau dans les puits et du débit des sources, des teneurs en éléments dissous et de la température de ces eaux ; augmentation des émanations naturelles de radon (un gaz radioactif) ; augmentation des contraintes et de la fracturation des roches dans le sous-sol ; comportement anormal des animaux. Mais l'équipement complet d'une région, pendant des périodes pouvant durer plusieurs années, coûterait cher. En outre, tous les séismes ne sont pas forcément précédés de ces signes précurseurs et certains signes précurseurs peuvent n'être suivis d'aucun séisme...

Prévention

Chaque séisme est un cas particulier : un tremblement de terre n'est jamais tout à fait le même que celui qui l'a précédé ou celui qui le suivra dans une même région. À plus forte raison, aucune région de la terre, même petite, n'est identique à ses voisines. Sa composition et ses structures géologiques sont particulières et restent, en dépit de toutes les études faites, très mal connues. Paradoxalement, les séismes sont une des principales sources d'informations sur le sous-sol. Mais des caractères spécifiques de ce sous-sol dépend la sismicité.