Impossible de ne plus tenir compte du phénomène. Il y a du monde sur la MF. On s'y écrase même à certaines heures.

Pour arriver à se faire entendre, Radio 7, la station des jeunes de Radio-France, doit augmenter la puissance de son émetteur. Après Radio-Mayenne, Fréquence-Nord, et Radio-Melun, Radio-France prévoit l'implantation de 12 nouvelles radios locales en province pour l'année 1982. Radio-Berry-Sud est inaugurée à Châteauroux, le 22 avril. Europe 1 rivalise en intitulant son émission quotidienne du soir (20 h-22 h 30) : Radio libre sur Europe 1. On ne peut plus jouer tranquillement sur les ondes.

La partie pourtant n'est pas facile non plus dans le camp des radios libres.

Dans la période qui précède les élections présidentielles de mai 1981, les radios libres font parler d'elles : émissions, brouillages, saisies d'un matériel considéré comme illégal. L'attente est grande, dans le camp des privés, d'un changement d'orientation politique du gouvernement qui libéraliserait les ondes.

La gauche l'emporte. Les projets prennent corps, les nouveaux programmes explosent sur FM. Mais il faut déchanter : la victoire de la gauche n'est pas la fin du monopole.

Le nouveau ministre de la Communication, Georges Fillioud, ancien journaliste, temporise. Les brouillages s'arrêtent, reprennent, bafouillent. En attendant une nouvelle loi sur l'audiovisuel, un statu quo s'installe : les radios libres émettent, avec plus ou moins de bonheur, la route des ressources publicitaires leur est barrée, elles doivent limiter leurs ambitions de puissance à 100 watts, être associatives. Une sorte de liberté surveillée, en somme.

Peu importe. Ce qui compte, c'est de se placer, quitte à n'avoir rien à dire. On occupe le terrain : ainsi, Radio-cité future, qui, soutenue par le Monde, occupe quotidiennement une fréquence, sans programme, avec un seul signal sonore.

Le 9 septembre, le Conseil des ministres annonce la possibilité pour les radios libres, après examen du dossier, de dérogation au monopole.

Entre-temps, dans la région parisienne, RFM, lancée par l'ancien responsable de Radio 7, Patrick Meyer, fait la preuve qu'une radio privée peut faire d'excellents scores d'écoute. Les créations se multiplient. Les promoteurs de radios libres s'imposent de telle manière qu'un fait paraît acquis : la MF leur appartient. Ce n'est qu'en avril 1982 que la commission Holleaux, mise en place à cet effet, commence à examiner les dossiers et à accorder les premières dérogations. En commençant par la province.

À Paris, une toile serrée d'émissions quadrille la MF. En décembre 1981, on dénombre 113 radios libres. En juin 1982, 151 dossiers intra-muros et 79 banlieue sont déposés devant la commission ! Une compétition sévère s'engage.

Programme

Face à ce déferlement et à l'hémorragie d'auditeurs, les grandes stations nationales restent relativement tranquilles. Certes, les têtes changent avec le changement de gouvernement, et des comités de rédaction (de concertation) ont été élus, à Europe 1, à RMC. Mais on enregistre peu de modifications dans les programmes de chacune des stations. Les petits ne font pas encore trop peur aux gros, qui ont de bonnes longueurs d'avance en matière de programmes.

Car si en province, les radios locales ont, pour un certain nombre, assez spontanément trouvé leur place comme radios associatives, ou moyen de communication et d'information pour une population bien cernée, d'autres, en particulier dans les grandes villes et, à fortiori à Paris, pêchent par absence de projet. Le style Music and news, dont RMF fut le premier à démontrer l'efficacité, ne peut pas se multiplier à l'infini. La question, pour bon nombre de stations privées, reste encore, au début de l'été 1982, celle d'une cible précise. Quel contenu pour quel public ?

Indubitablement, la radio est entrée dans une ère nouvelle, dont les composants apparaissent de plus en plus clairs : une plus grande diversité, la mise en œuvre de communications locales mieux ciblées. Avec les perspectives de développement qu'annonce l'utilisation du câble et du satellite dans les années à venir...