Il faudra attendre le mois de juillet 1981 pour que la situation se précise. Maurice Ulrich, président d'Antenne 2, est le premier à remettre son mandat. Il rejoint son corps d'origine, au quai d'Orsay. Puis Jean-Louis Guillaud et Claude Contamine quittent TF1 et FR3. Le Conseil des ministres du 23 juillet nomme alors présidents de TF1, A2 et FR3 respectivement Jacques Boutet, Pierre Desgraupes et Guy Thomas. Le premier avait été président de la commission de contrôle durant la campagne électorale, le second est un professionnel du petit écran et un pionnier de la TV française (dont Cinq colonnes à la une avec P. Lazareff, puis directeur de l'information sous Chaban-Delmas en 1969), le troisième est un journaliste connu pour ses rubriques sociales à Europe 1.

Questions que chacun se pose : que vont devenir les chaînes et leurs programmes ? Qui va rester ? Qui va partir ? Là encore, il faut attendre, car chaque président met ses vacances à profit pour réfléchir et choisir. C'est ainsi qu'en septembre on apprend qu'André Harris (naguère producteur des magazines Caméra 3 et Zoom avec Alain de Sédouy) devient directeur des programmes de TF1 ; que Joseph Pasteur occupe ce poste sur A2 et que Serge Moati, réalisateur de la cérémonie au Panthéon le jour de l'investiture du président de la République, est nommé à FR3.

Sanctions

On attend des bouleversements spectaculaires, mais c'est ignorer que les programmes de TV ne se construisent pas du jour au lendemain, certaines émissions étant prévues, conçues, fabriquées et programmées plusieurs mois voire un an auparavant. Tout au plus, déplace-t-on ou s'échange-t-on quelques têtes connues : Michel Drucker quitte TF1 et signe pour une émission de variétés le samedi soir sur A2 : Champs-Élysées n'offre guère de surprise. Symbole d'une télévision abrutissante pour toute une élite intellectuelle, Guy Lux doit abandonner son Palmarès à la mi-décembre. Ce bateleur professionnel laisse un vide : on annonce son retour sur TF1 au mois d'avril. Jacques Chancel est prié de revoir la formule de son Grand échiquier et Armand Jammot se résigne à ne plus produire ses Dossiers de l'écran qu'une fois par mois. Ève Ruggieri quitte la ruelle du show-business qu'elle animait sur TF1 pour ouvrir un salon de musique sur A2.

Enfin la sanction la plus lourde touche Danièle Gilbert. En octobre, elle fait ses adieux à la télévision, les larmes aux yeux. On sait qu'elle laisse la place à Anne Sinclair, qui doit présenter dès janvier l'actualité culturelle en journaliste. Son émission Les visiteurs du jour ne convainc nullement, par son ton parisien, le public de la mi-journée, essentiellement provincial. Patrick Sabatier la remplacera dès la rentrée prochaine.

Scandale

Ce n'est pas le seul incident de parcours que rencontre la télé du changement, pourtant prudente dans son train de marche. En rappelant Michel Polac, producteur de l'émission littéraire Post-Scriptum, naguère écarté du petit écran pour le ton trop libre de ses émissions, André Harris ne peut se douter de l'incident qui survient en janvier 82 lors d'une édition de Droit de réponse consacrée à la disparition de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. À 20 h 30, ce samedi-là, les téléspectateurs assistent à un échange de propos particulièrement vifs accompagnés d'insultes provenant de débatteurs ivres. L'émission fait scandale, la polémique se répand mais André Harris maintient l'émission qui retrouve le rythme de croisière du genre.

On s'interroge également sur l'opportunité du changement de programme les samedis après-midi sur TF1. Alain de Sédouy abandonne l'auditoire classique de cette tranche (beaucoup de jeunes téléspectateurs friands des aventures de Maya l'abeille ou des héros de grandes séries populaires), pour tenter une ouverture vers le public adolescent. Rock, cinéma (avec Frédéric Mitterrand), magazine auto-moto... L'émission s'appelle Pour changer, mais elle a pour effet premier de contrarier bon nombre de parents et d'enfants, sans faire, pour autant, le plein de sa nouvelle clientèle.