Plus préoccupé par les grands problèmes économiques et sociaux que par la situation du commerce des meubles et objets anciens ou le statut des commissaires-priseurs, le gouvernement socialiste n'a pris aucune mesure susceptible de favoriser une relance attendue depuis plusieurs années.

L'annonce du projet de budget pour 1982 par Laurent Fabius — qui voulait inclure les œuvres d'art, les objets de collection et les meubles anciens dans l'assiette de l'impôt sur la fortune — a provoqué une très vive réaction des syndicats d'antiquaires et des commissaires-priseurs. Le président de la République ayant finalement tranché en faveur de l'exonération des biens artistiques de l'impôt envisagé, l'Assemblée nationale s'est prononcée dans le même sens. Le ministre du Budget a cependant imposé trois mesures destinées à lutter contre la fraude fiscale : le doublement de la taxe sur les plus-values ; l'obligation de régler par chèque les achats d'objets d'art, antiquités et bijoux supérieurs à 10 000 F ; la communication obligatoire par les compagnies d'assurances des noms des clients qui auront déclaré des objets de collection pour un montant supérieur à 10 000 F.

Très critiquées par les professionnels, ces mesures contraignantes risquent de favoriser les ventes britanniques au détriment des commissaires-priseurs français, déjà pénalisés par une forte disparité fiscale.

Quoi qu'il en soit, la Compagnie des commissaires-priseurs parisiens, logée à l'enseigne du Nouveau Drouot — et dont l'activité représente près de la moitié des ventes publiques françaises —, a réalise pour 1981 un chiffre d'affaires total de 1 milliard 31 millions de F (contre 920 millions l'année précédente), soit une progression de 12,06 % sensiblement au-dessous du chiffre de l'inflation (13,6 %).

Du côté britannique, les deux principales entreprises de ventes n'ont pas davantage progressé en pourcentage. Ce coup d'arrêt à l'expansion — qui était jusqu'alors de 20 % par an — s'explique moins par le manque de disponibilités financières des acheteurs que par l'absence de grandes collections à disperser sur le marché. Cette rétention contient cependant un facteur positif, puisqu'elle exprime la certitude des détenteurs d'œuvres d'art et d'antiquités que leurs biens vont continuer à se valoriser. Dans un domaine où la demande est toujours plus forte qu'une offre qui s'amenuise, il arrive un moment où les investisseurs n'hésitent pas à y mettre le prix avec l'espoir de nouvelles plus-values. Mais, dans le même temps, certains vendeurs se montrent trop exigeants : ils imposent aux commissaires-priseurs un prix de réserve si élevé que, faute d'enchères suffisantes, l'œuvre est finalement restituée à son propriétaire trop gourmand.

Fermeté

Ce phénomène a été particulièrement sensible au cours des grandes ventes de tableaux modernes. C'est ainsi qu'à Londres une toile de Kandinsky (vendue 50 000 livres en 1964), remise sur le marché le 29 mars 1982, a provoqué une montée d'enchères jusqu'à 1 250 000 livres, mais elle fut finalement rendue à son propriétaire qui en voulait encore davantage.

Cependant, chaque fois que des œuvres de qualité sont mises en vente sans prix de réserve excessifs, les enchères obtenues traduisent la fermeté de la demande.

Dans le domaine des tableaux anciens, où les écoles flamande et française du xviiie s. restent en faveur, le choix des amateurs se porte davantage sur les qualités propres de l'œuvre et sur sa valeur documentaire que sur la notoriété du signataire.

Parmi les valeurs refuges, l'argenterie ancienne, les bijoux et les boîtes en or, les montres et chronomètres perfectionnés comme tous les objets précieux de faible volume ont trouvé preneurs aux plus hauts cours, surtout lorsqu'ils présentaient une originalité particulière. Le record français pour 1981 a été enregistré à Versailles avec un pot à oille en argent à côtes torses adjugé 1 080 000 F. Dans la plupart des secteurs, les acheteurs ont contribué à la montée des enchères, et souvent en dépit des interdictions d'exportation qui freinent la pression de la demande. Un amateur chinois a enlevé pour 1 900 000 F une grande jarre en porcelaine blanche de l'époque Yuan (xive s.), présentée à Enghien le 6 décembre 1981. Un mois plus tôt, c'est un collectionneur japonais qui poussait à 600 000 F une estampe de Momokawa Choki représentant une jeune femme se fardant devant un miroir.