Depuis les manifestations violentes de mars-avril 1981 au Kosovo (région autonome de la République serbe, frontalière de l'Albanie), suivies par plus de 800 arrestations, l'agitation se poursuit. Le comité central de la Ligue des communistes lui consacre son plénum, le 17 novembre 1981, et note que l'action des éléments « contre-révolutionnaires » se manifeste désormais d'une manière « plus organisée et plus perfide encore ».

La tension monte en mars 1982, malgré les avertissements des autorités, qui affirment qu'elles « s'opposeront impitoyablement à la moindre tentative de troubler l'ordre public », et on entend à nouveau des slogans hostiles.

Parallèlement aux événements du Kosovo qui provoquent un exode important des populations non albanaises de la province (Croates, Serbes, Monténégrins), on assiste ailleurs à une montée de plus en plus marquée des nationalismes centrifuges.

Cette évolution est manifeste sur le plan culturel, mais plus encore dans le domaine économique. Dans ce secteur, si une décentralisation est affichée, une certaine unité d'action est néanmoins indispensable. Ainsi, le plan quinquennal de développement agricole est adopté avec un retard considérable, en raison de divergences entre les républiques. L'approvisionnement en pétrole est un problème constant en raison de la remise en question permanente du financement de son achat.

Ce morcellement de l'économie qui aboutit presque à l'existence de six économies nationales aggrave un peu plus une situation marquée par trois points noirs : une inflation galopante (30 % en 1980), un déficit chronique de la balance des paiements et une montée du chômage : 750 000 chômeurs en 1981.

L'accroissement des exportations et la réduction sévère des importations (remplacement progressif du mazout par le charbon, dans l'industrie), le freinage des investissements et l'aide accrue au secteur agricole sont les grandes lignes du plan 1981-1985, avec, pour corollaire, une baisse du niveau de vie et de la consommation qui risque de provoquer une nouvelle agitation politique.

Face à cette éventualité, les autorités ne semblent cependant pas désarmées, et ce n'est pas sans raison qu'Amnesty International s'inquiète dans un rapport, rendu public le 10 février 1982, du nombre croissant de prisonniers d'opinion.

Au premier rang de ceux-ci le poète Gojko Djogo, condamné à un an de prison pour avoir affirmé dans ses poèmes qu'« il n'y avait pas de liberté ni de démocratie » en Yougoslavie, mais dont la peine est suspendue en mai, et le père Nedjo Janjitch, prêtre orthodoxe serbe, condamné à quatre ans de prison pour avoir chanté des « chants nationalistes » le jour du baptême de son fils.