En quelques secondes, ils libèrent le général américain Dozier, vice-chef d'état-major des forces terrestres alliées pour la zone sud-Europe, détenu par les BR depuis 42 jours. Ils capturent en même temps les 5 terroristes chargés de sa surveillance.

Succès complet : pas une goutte de sang n'est versée et, pour la première fois, la police réussit à localiser l'une de ces prisons du peuple dans lesquelles les BR, dans le passé, ont séquestré des hommes comme Aldo Moro ou le juge d'Urso.

Les Italiens sont d'abord incrédules : ils voient dans ce coup de maître la main des agents secrets US. Puis chacun se rend à l'évidence : les têtes de cuir du NOCS n'ont rien à envier à leurs collègues étrangers...

Sape

En quatre ans, depuis l'affaire Moro exactement (Journal de l'année 1977-78), les forces de l'ordre italiennes se sont en effet réorganisées. Elles ont même réappris le b a ba de la profession (discipline, infiltration ; les méchantes langues ajoutent : sévices corporels), laissé taire leurs divisions internes et bénéficié aussi des informations de service de renseignements, enfin opérationnels après les grandes purges des années 70.

Car la libération spectaculaire de James Lee Dozier n'est que l'aboutissement d'un long travail de sape, suivi de quelques coups de filet déterminants : par exemple, l'arrestation, le 9 janvier 1982 à Rome, du sociocriminologue G. Senzani, chef de l'aile mouvementiste des BR (par opposition à l'aile militariste), et de 9 de ses complices.

Repentis

Et puis il y a le phénomène des repentis, ces terroristes à qui sont promises des remises de peine en échange de leur collaboration avec la police. Méthode discutée et discutable, mais efficace. Les confessions d'Antonio Savasta — chef des ravisseurs du général Dozier — constitueront ainsi une mine de renseignements pour les enquêteurs.

Rien qu'au cours des trois premiers mois de 1982, 340 terroristes rouges et 45 terroristes noirs sont capturés, 35 bases logistiques et 10 dépôts d'armes sont découverts. On compte fin avril 3 500 détenus accusés de terrorisme dans les prisons italiennes. Parmi eux, 320 se sont définitivement repentis et une centaine d'autres se sont dissociés, c'est-à-dire qu'ils condamnent désormais la lutte armée, mais qu'ils n'acceptent pas pour autant de jouer les délateurs.

Le Renard

Parallèlement, le nombre des attentats mortels diminue considérablement : 11 victimes en 1981 (dont l'ingénieur de la Montedison Guiseppe Taliercio et le frère du terroriste repenti Patrizio Peci, Roberto Peci, exécuté après plusieurs semaines de séquestration), contre 135 en 1980.

Les BR sont donc en net déclin. Mais les dirigeants du pays évitent de chanter victoire. Trop souvent, l'organisation terroriste a su renaître de ses cendres. Ses leaders encore en liberté (on pense à Barbara Balzarani ou Luigi Novelli) préconisent d'ailleurs une « retraite stratégique pour conjuguer le travail illégal et légal dans l'anonymat des masses », sans exclure certains défis : en particulier, ces trois carabiniers blessés à Rome, le 12 avril 1982, 36 heures avant l'ouverture du procès des assassins d'Aldo Moro, devant un tribunal transformé en bunker ; ou l'assassinat quinze jours plus tard, à Naples, de Raffaele Del Cogliano, personnalité démocrate-chrétienne.

Deuxième front pour le ministre de l'Intérieur Rognoni : la Mafia et, à travers elle, la drogue. « Un fléau qui, dit-il, tend à devenir plus grave que le terrorisme. » Il y a plus de 100 000 toxicomanes dans la péninsule et l'héroïne y a fait 237 morts en 1981. L'Italie, qui était déjà bien connue pour être à la fois une voie de transit et une terre de raffinage, devient aussi un lieu de consommation. Une raison supplémentaire pour s'attaquer aux réseaux de l'honorable société.

Dans ce but, le gouvernement nomme le 2 avril 1982 le général Dalla Chiesa, vice-commandant en chef des carabiniers et ex-chef de la lutte antiterroriste, préfet de Palerme avec mission de combattre la Mafia. La réputation de cet homme d'action n'est plus à faire : 62 ans, Piémontais, surnommé le Renard, excellent organisateur, fin connaisseur de la Sicile, il est, de l'avis unanime le « meilleur enquêteur d'Italie ». La réponse de la Mafia ne se fait pas attendre : un dirigeant communiste, Pio La Torre, est assassiné le 30 avril à Palerme.