Les élections au parlement andalou du 23 mai 1982 — consacrant la formidable ascension du PSOE (parti socialiste), un an avant les élections générales — et le procès des putschistes de février 1981 (Journal de l'année 1980-81) — qui met à nu la médiocrité des ambitions de la droite militaire — témoignent de cette évolution.

Le lieutenant-colonel Tejero et ses 30 co-inculpés, dont les lieutenants-généraux Milans del Bosch et Armada, ne se sont guère montrés convaincants, au cours du procès qui s'est ouvert le 19 février 1982, dans leurs manœuvres pour compromettre le roi, en invoquant « l'obéissance à leurs supérieurs » et « l'état de nécessité » de l'Espagne.

Sans doute, la situation économique n'est-elle pas brillante : en mars, l'Institut national de la statistique faisait savoir que le cap de deux millions de chômeurs était franchi. À cela, il faut ajouter une dette extérieure de 25,1 milliards de dollars (20 % de plus que l'année précédente). Et, si l'inflation a été maintenue à 14,5 %, la croissance du PNB n'a pas dépassé 1,4 % (prévisions : 2,5 %).

Extrême droite

Sans doute les manifestations d'extrême droite font-elles encore recette : 15 000 à 20 000 personnes le 18 juillet 1981, à Aranjuez, pour célébrer le soulèvement de juillet 1936 ; 200 000 le 22 novembre, à Madrid, pour le sixième anniversaire de la mort du caudillo. Sans doute des pamphlets circulaient-ils dans les casernes et, le 6 décembre, 100 officiers et sous-officiers publiaient-ils un manifeste approuvant les putschistes.

Ces mouvements n'ont pas été suivis et ils ont même été durement sanctionnés. Les officiers supérieurs ayant failli, la subversion devenait subalterne. Ce qui provoquera le 24 mai 1982 un dernier éclat de Tejero devant le Conseil de guerre : « Je tiens à manifester à la majeure partie des officiers supérieurs des forces armées mon plus profond mépris pour leur lâcheté et leur trahison. » Ce qui lui valut d'être expulsé par les officiers supérieurs du tribunal.

Le 3 juin tombait le verdict : 30 ans à Tejero et Milans del Bosch, des peines plus légères pour les comparses et 10 acquittements. L'indulgence des magistrats militaires déclencha un véritable tollé dans la classe politique. Jusqu'à Leopoldo Calvo Sotelo qui émit l'idée que le conseil des ministres pourrait interjeter appel. De son coté la presse espagnole, quasi unanime, s'élevait contre le jugement.

Le gouvernement avait, le 14 janvier 1982, profité de cet état d'esprit pour mettre à la retraite les membres du haut état-major et les remplacer par des généraux sûrs. Prétexte de ce changement : les négociations avec les futurs partenaires de l'OTAN.

Cette adhésion de l'Espagne à l'organisation atlantique a constitué le seul grand débat politique de l'année. Les socialistes et les communistes, qui y étaient hostiles, ont mobilisé de vastes manifestations : plusieurs dizaines de milliers de personnes le 15 octobre 1981, 200 000 le 15 novembre.

Il n'empêche que les Cortes ont adopté le protêt le 29 octobre, que, le 3 décembre, la demande officielle d'adhésion était remise à J. Luns, le secrétaire général de l'OTAN, bien qu'un sondage publié par le quotidien El Pais ait révélé que 52 % de la population y étaient opposés, 18 % seulement étant favorables. L'adhésion à l'Alliance atlantique devient effective le 30 mai 1982.

Usure

Est-ce le fait d'aller contre l'opinion qui vaut à l'Union du centre démocratique (UCD), la coalition gouvernementale, sa rapide obsolescence ? Sans doute la formation centriste, issue du régime franquiste, subit-elle l'usure du pouvoir, après avoir donné le meilleur d'elle-même en transformant les institutions. Elle s'embourbe aujourd'hui dans ses solutions politiques. Du coup, elle devient le champ de luttes intestines qui l'affaiblissent.

En dépit d'une reprise en main de l'UCD par le Premier ministre Calvo Sotelo, le 13 novembre 1981, 16 sociaux-démocrates quittent la formation gouvernementale sous la houlette de Fernandez Ordonez, qui avait démissionné le 1er septembre du ministère de la Justice. Trois autres députés se rallient, le 28 janvier 1982, à la coalition démocratique dont fait partie l'Alliance populaire de Fraga Iribarne (franquiste). Entre-temps, le 19 novembre 1981, Adolfo Suarez, le prédécesseur de Calvo Sotelo, a annoncé sa rupture avec le parti qu'il avait créé.

Scission

De son côté, le PCE, autre élément mythologique du passé espagnol, est victime de la tempête déchaînée par les réformes autonomistes. Le centralisme démocratique du secrétaire général est aussi contesté par les communistes locaux que le jacobinisme de Madrid par les parlements provinciaux. Une grande partie des militants basques et catalans récusent aussi bien l'autorité de Santiago Carrillo que ses options euro-communistes. D'où scissions, exclusions, anathèmes et, finalement, une chute spectaculaire de l'audience du parti.