Le gouvernement, visiblement, commence par donner des gages aux classes moyennes. Ce n'est qu'ultérieurement qu'il prend une série de mesures qui font mal : blocage des salaires jusqu'au 31 mai et, au-delà, augmentation forfaitaire ; blocage momentané des prix, suivi d'adaptations sélectives.

Passif

D'autres décisions sont adoptées dans le domaine social : réduction de certaines allocations de chômage, augmentation (de 6,25 % à 7 %) des cotisations de retraite, prélèvement sur le double pécule de vacances, diminution générale de 500 FB des allocations familiales et contribution équivalente pour ceux qui n'ont pas d'enfant. Une cotisation dite de solidarité est réclamée aux 860 000 fonctionnaires. Les cumuls dans la fonction publique sont pénalisés.

Toutes ces mesures — et d'autres encore telles que l'augmentation des tarifs postaux, de la taxe sur l'essence, des tarifs des chemins de fer et la suppression de 2 000 trains — ont pour but de renflouer les finances publiques, qui présentent un passif de 423 milliards de FB. L'État doit en outre plus de 200 milliards aux communes.

Divisions

Or un nombre croissant d'indigents ne cessent de frapper à la porte du Centre public d'aide sociale de la commune pour obtenir des secours. Ce sont le plus souvent des chômeurs qui n'ont plus droit aux allocations de chômage, des retraités qui reçoivent leur pension avec beaucoup de retard, des handicapés ou des invalides qui ne parviennent pas à bénéficier des allocations auxquelles ils ont cependant normalement droit.

Le FDF-RW panse ses plaies. Les Écologistes et l'UDRT sont des aiguillons, mais pas encore une force politique avec laquelle le gouvernement doit compter. Les communistes et les groupuscules gauchistes ne font pas le poids. Il ne reste qu'une véritable force d'opposition : le parti socialiste. Ou plutôt les partis socialistes — les partis socialistes de Flandre et celui de Wallonie — qui n'ont pas toujours les mêmes intérêts à défendre.

Le leader socialiste francophone G. Spitaels reste cependant étonnamment silencieux lors des grèves de protestation déclenchées par le syndicat socialiste FGTB. Le PS ne soutient pas les actions de protestation des travailleurs qui veulent s'opposer aux mesures gouvernementales, estimées inefficaces et injustes. Le PS donne l'impression de considérer comme inévitables les mesures prises par le gouvernement de droite et de n'avoir aucune politique de rechange à proposer.

Les travailleurs syndiqués sont très divisés. Dans certains secteurs traditionnellement remuants et anticapitalistes, les débrayages sont spontanés et les délégués syndicaux ont toutes les peines à éviter les actions intempestives. Dans d'autres secteurs, le découragement est grand et les travailleurs répondent, aux délégués syndicaux qui les incitent à faire grève, que celle-ci est de toute façon tout à fait inutile.

La FGTB lance néanmoins des mots d'ordre de grève dans plusieurs secteurs. Mais elle porte seule le poids de la lutte : les syndicats chrétiens, à quelques groupuscules près, ne participent pas à l'action. Ils organisent simplement une grande manifestation à Bruxelles, quelques jours après une violente manifestation de 8 000 sidérurgistes wallons dans la capitale, qui avait fait plus de 180 blessés et donné lieu à de nombreuses arrestations de manifestants.

Les divisions syndicales — clivages entre socialistes et chrétiens. Flamands et Wallons — rendent impossible un mouvement unitaire, qui mettrait le gouvernement en difficulté. Le rêve d'un Rassemblement des progressistes que la gauche caresse depuis des années paraît s'estomper. Pourtant, ici et là, dans les rangs chrétiens, des groupes protestataires naissent, qui cherchent le rapprochement avec les socialistes.

Chrétiens

Le président du PS encourage les négociations et les rencontres. Il inspire d'autant plus confiance qu'il est lui-même issu de milieux chrétiens. Au sein ces organisations socialistes, l'esprit anticalotin freine toute tentative d'unification. Mais, manifestement, le mouvement ouvrier chrétien est à la recherche d'une expression politique distincte du PSC, où l'aile droite impose le plus souvent ses vues.

Diffamation

Gérard Deprez, le nouveau président du PSC, se démène comme un beau diable (si l'on ose dire !) pour préserver l'unité du mouvement chrétien. Aussi l'affaire Vanden Boeynants tombe-t-elle on ne peut plus mal. L'ancien président du PSC est accusé de fraude fiscale par le procureur général de Bruxelles. On évoque une fraude qui atteindrait 100 millions de FB. Conformément à la Constitution, c'est une commission parlementaire qui doit, le cas échéant, traduire l'ancien ministre devant la Cour de cassation.