Les résultats, pourtant, ne lui permettront pas de chanter victoire. Le premier bilan de son programme de salut économique, tel qu'on peut le dresser à la fin de l'année 1981, est nettement négatif.

Récession

Dès le début de l'automne, le pays s'est enfoncé dans la récession, ainsi qu'en témoigne la progression du taux de chômage : 7 % en juillet, 7,2 % en août, 7,5 % en septembre, 8 % en octobre, 8,4 % en novembre, 8,8 % en décembre. Les activités de plusieurs secteurs — l'immobilier, l'automobile — se sont effondrées. Pendant le dernier trimestre de 1981, le PNB a diminué de 5,2 % en taux annuel. Pour l'ensemble de l'année, il a tout de même progressé de 1,9 % (contre – 0,2 % en 1980), mais cette progression n'est due qu'à la croissance du PNB enregistrée au cours du premier trimestre.

Seul point positif : un taux d'inflation de 8,9 %, au lieu de 12,4 % en 1980, 13,3 % en 1979 et 9 % en 1978. La hausse des prix de gros, elle, n'a été que de 7 %. Mais les experts s'accordent à penser que ce résultat est dû lui aussi à la faiblesse de l'activité économique.

Autre sujet de préoccupation : l'envolée des taux d'intérêt. Au cours du premier trimestre de 1981, ceux-ci s'étaient lentement éloignés de leur niveau record de 1980, mais, durant le printemps et l'été, ils ont repris leur accélération. En juillet, le taux de base bancaire atteignait 20,5 %, les taux hypothécaires et ceux des obligations grimpaient jusqu'à 18 %, et le taux d'intérêt des obligations non imposables dépassait les 13 %.

Par la suite, ces taux sont restés élevés en dépit du ralentissement de l'inflation, et ce en raison de la politique de crédit cher délibérément pratiquée par la Réserve fédérale, dont le secrétaire au Trésor, Donald Regan, n'hésitera pas à plusieurs reprises à dénoncer les « errements ».

De même, les cours du dollar ont continué à demeurer fermes sur toutes les places internationales, avec quelques accès de fièvre, notamment en juillet-août 1981, en février et en juin 1982. Enfin, le déficit commercial des États-Unis s'est élevé à 39,7 milliards de dollars, soit une hausse de 9 % par rapport à 1980.

29,3 millions de pauvres

Selon les statistiques du Bureau de recensement, 13 % de la population américaine, soit 29,3 millions de personnes, avaient en 1980 un revenu inférieur au seuil de pauvreté, au lieu de 11,7 % en 1979. Ce pourcentage était de 32,5 % parmi les Noirs et 25,7 % parmi les hispanophones. Le seuil de pauvreté était fixé par le gouvernement, en 1980, à 8 414 dollars pour une famille de citadins de quatre personnes.

Déficits

En diverses occasions, R. Reagan affirme qu'il n'a pas l'intention de changer de cap. En transmettant le 8 février 1982 au Congrès son projet de budget pour 1983, il assure même que celui-ci est un nouveau pas dans l'assainissement de l'économie américaine. Toujours est-il que les effets de la récession, en s'ajoutant aux allégements fiscaux votés en juillet 1981, ont provoqué des déficits sans précédent. Pour 1982, le trou est estimé à 99,3 milliards de dollars, pour 1983 à 91,5 milliards de dollars.

Ces chiffres, qui seront plus impressionnants encore lors d'évaluations ultérieures, sont trois fois supérieurs au plafond que le Congrès s'était fixé au cours de l'été 1981. Ils sont qualifiés d'inacceptables par l'une des plus influentes organisations patronales du pays, le Business Round Table, qui regroupe les dirigeants de 200 plus grandes sociétés américaines.

Les responsables des milieux d'affaires, s'en prenant pour la première fois à deux éléments fondamentaux de la politique économique reaganienne, recommandent simultanément un report de la diminution des impôts sur le revenu et une réduction sensible des dépenses militaires. Celles-ci, il est vrai, se taillent la part du lion dans le projet de budget présenté par le président : 215,9 milliards de dollars (18,1 % de plus que pour 1982) sur un total de 757,6 milliards de dollars de dépenses fédérales (+ 4,5 %).

Le directeur du Budget, David Stockman, en désaccord avec la politique de R. Reagan, a remis sa démission, dès le 12 novembre 1981, au chef de la Maison-Blanche. La démission est refusée, mais D. Stockman reçoit un blâme sévère et est contraint de faire son mea culpa en public.

À genoux

Les résultats du premier trimestre de 1982 confirment, dans l'ensemble, ceux des derniers mois de 1981. La lutte contre l'inflation continue à être couronnée de succès (0,3 % en janvier, 0,2 % en février, – 0,3 % en mars, première baisse mensuelle depuis 1965, et 0,2 % en avril). Mais la production industrielle reste inférieure de près de 8 % à celle de juin 1981, et le PNB recule de 3,9 % en taux annuel. Dans le secteur clé de l'automobile, les chiffres sont particulièrement inquiétants (– 31 % par rapport au premier trimestre de 1981).