En France, l'opposition dénonce l'attitude du gouvernement, qualifiée d'ambiguë : condamnation du projet d'union Libye-Tchad, mais, simultanément, livraison de matériel militaire français à Tripoli, où Albin Chalandon négocie pour la compagnie Elf des contrats de prospection pétrolière.

Les responsables africains, de leur côté, tentent d'assurer par des moyens diplomatiques l'évacuation du territoire tchadien par les troupes libyennes. Sur l'insistance du général Eyadema, chef de l'État togolais, un cessez-le-feu avait déjà été conclu à Lomé, le 28 novembre 1980, entre les belligérants tchadiens. Mais il avait aussitôt été contesté par Hissène Habré.

Lors d'une nouvelle conférence tenue à Lomé en janvier 1981, à l'occasion de laquelle Eyadema confirme sa volonté de se poser en médiateur (Journal de l'année 1979-80), la politique libyenne est officiellement condamnée. Malgré leur hostilité à l'égard de la France, les Nigérians, qui redoutent les initiatives de Kadhafi au sud du Sahara, basculent dans le camp des modérés, hostiles à la Libye.

Échecs

Un projet de sommet tripartite entre le Tchad, le Nigeria et la Libye est ajourné sine die en février 1981, sans aucune explication. Le GUNT (Gouvernement d'union nationale transitoire) s'oppose avec fermeté à ce que le Conseil de sécurité de l'ONU se saisisse de l'affaire tchadienne.

Un projet de conférence à Lagos est annulé en avril, comme si aucune des parties intéressées au règlement de la crise ne croyait plus aux vertus de la diplomatie. A. Ahidjo, président du Cameroun, que la dégradation de la situation à N'Djamena inquiète, reçoit le 7 mai 1981 à Ngaoundere son homologue tchadien Goukouni Oueddeï, président du GUNT.

Ce dernier se déclare prêt à accueillir à N'Djamena une force neutre africaine et proclame publiquement sa volonté de contrôler les forces armées libyennes, installées dans la capitale depuis décembre. Ces propos n'ont malheureusement aucune portée réelle, parce que la force neutre africaine reste à créer et à mettre en place et parce que, bien qu'ayant rapatrié, en mars 1981, 200 de leurs soldats, les Libyens restent, au moins à N'Djamena, les seuls maîtres du jeu.

Divisions

Entre-temps, les divisions au sein du GUNT — où coexistent 11 tendances politico-militaires — s'exacerbent, et la guerre civile traverse une phase de lent pourrissement.

Les deux figures dominantes au sein du GUNT ont beaucoup de mal à tenir en main leurs partisans. Goukouni Oueddeï comme Abdelkader Wadal Kamougue, vice-président du GUNT et numéro deux du régime, sont, l'un et l'autre, de plus en plus contestés.

À la traditionnelle, et toujours vivace, opposition Nord-Sud viennent s'en superposer d'autres, plus subtiles, qui tiennent autant des rivalités de personnes que des antagonismes ethniques et qui ne doivent en tout cas à peu près rien aux considérations idéologiques.

Dans le camp nordiste s'affrontent Goukouni Oueddeï et Acyl Ahmat, ouvertement soutenu par Tripoli. Les partisans de ce dernier ne cessent de gagner du terrain à N'Djamena même, du fait de l'importance des fournitures d'armes dont les fait bénéficier Kadhafi.

Dans le camp sudiste, Kamougue est en lutte ouverte avec les partisans de Mambaye Lossinian, ministre de l'Agriculture, qui essaie, lui aussi, de jouer la carte libyenne et témoigne d'une agressivité constante à l'égard de la France. Beaucoup d'officiers de l'armée régulière, regroupés autour du général Djogo, refusent pratiquement toute obéissance à Kamougue, qui vit de plus en plus isolé dans son fief de Sarh (anciennement Fort-Archambault).

Inquiétude

On ne sait pas grand-chose à l'étranger de la situation militaire. En effet, les journalistes n'ont que très difficilement accès aux zones de combats et ne visitent régulièrement que le sud, qui vit en état de sécession de fait, ou encore l'est du pays.

C'est dans cette dernière zone qu'opèrent les FAN, Hissène Habré recevant d'Égypte d'abondantes quantités d'armes. Ce qui provoque la rupture des relations diplomatiques entre N'Djamena et Le Caire. En revanche, tout le Nord, c'est-à-dire les deux tiers de la superficie du territoire national, de la bande d'Aozou à N'Djamena, semble placé sous contrôle conjoint du GUNT et de la Libye.