Journal de l'année Édition 1981 1981Éd. 1981

Grâce à l'effort de compression budgétaire, le financement de ces actions prioritaires ne doit pas entraîner un alourdissement du poids de l'impôt : le dernier objectif du budget de 1981 est en effet de stabiliser la fiscalité. Le gouvernement n'a pas voulu « ajouter à la ponction pétrolière » (qui équivaut au produit de l'impôt sur le revenu), sans parler des évidentes raisons électorales. La campagne de Jacques Chirac a été axée sur la nécessité d'alléger le fardeau fiscal ; se désistant pour V. Giscard d'Estaing entre les deux tours de l'élection présidentielle, il a encore évoqué la nécessité de « diminuer les prélèvements fiscaux opérés sur les Français ».

Dans la loi de finances pour 1981, ceux-ci avaient été stabilisés au-dessous de 18 % du PIB, essentiellement grâce à l'indexation des tranches du barème de l'impôt sur le revenu (sauf, pour le principe, la dernière...). Quelques ressources d'appoint avaient été trouvées dans le relèvement des droits sur les alcools et tabacs et dans la réforme de la fiscalité pétrolière. La pression fiscale a donc été stabilisée à 18 % pour les impôts d'État et à 42 % (du PIB) pour l'ensemble des contributions obligatoires. En 1973, le niveau n'était que de 35,7 % ! Cet alourdissement considérable sous la présidence de V. Giscard d'Estaing est essentiellement dû à la croissance des cotisations sociales, passées de 13,4 % du PIB en 1973 à 18 % en 1981. C'est la contrepartie de l'envol des prestations sociales, qui a visé à atténuer les effets de la crise économique. Mais le système fiscal lui-même donne une impression d'usure, de perte d'efficacité, qui rend le prélèvement d'autant plus insupportable.

Fiscalité

À cet égard, la prudence du budget de 1981, compréhensible pour des raisons d'opportunisme électoral, n'en déçoit pas moins. La gestion sage du gouvernement avait permis de reprendre la maîtrise du déficit en 1980 : pourquoi ne pas en profiter pour mettre en œuvre une refonte du système fiscal ?

On n'a proposé aucune mesure nouvelle. On n'a pas tenté de réduire l'évasion fiscale. On n'a pas réexaminé la structure des impositions. Du côté des dépenses, on a certes courageusement rogné, mais à la marge, sans remise en cause fondamentale de telle ou telle intervention (le Concorde, par exemple). Il n'y a pas d'interrogation globale sur l'action de l'État. Ce manque d'imagination et ce conservatisme renforcent l'impression de budget d'attente ou d'entracte laissée par la dernière loi de finances du septennat de V. Giscard d'Estaing.

Certes, dans un monde en remous, il était judicieux de redonner à l'économie française une marge de manœuvre. D'autant plus que les prévisions économiques retenues pour 1981 s'avèrent encore trop roses : la croissance sera seulement marginale (et non de 1,6 %) et la hausse des prix supérieure aux 9,5 % prévus initialement. Cette inflation plus forte entraînera des plus-values de recettes, mais elles seront compensées par le renchérissement des traitements des fonctionnaires. Restera donc l'impact de la moindre croissance sur la TVA et sur les allocations de chômage. De 1980 à 1981, le profil des recettes s'est affaissé, tandis que celui des dépenses s'est au contraire redressé. Pour lutter contre la récession, le gouvernement a en effet donné des consignes de dépense à partir de l'été 1980. Moins-values de recettes, accélération des dépenses : dans une configuration inverse de celle de 1980, l'exécution du budget de 1981 risque de faire remonter le déficit bien au-delà des 29,4 milliards initialement prévus. Décidément, le bon résultat de 1980 n'a pas été le point de départ du redressement des finances publiques en France.

Or, c'est sur ces fondations mal assurées qu'est intervenu le changement de gouvernement, fin mai, après la victoire de François Mitterrand à l'élection présidentielle. La mise en œuvre de la nouvelle politique économique socialiste, non financée, dans un premier temps, par des créations de recettes, ne pouvait que propulser le déficit à des hauteurs jamais atteintes.

Un premier collectif

L'action du gouvernement P. Mauroy s'est aussitôt déployée dans le sens de la relance, en trois volets successifs, courant juin 1981. Premier volet : augmentation de 10 % du SMIC et relèvement de 20 à 25 % des prestations sociales. Deuxième volet : création de 54 000 emplois publics, lancement de 50 000 logements sociaux, déblocage du Fonds d'action conjoncturelle. Troisième volet : crédits exceptionnels et bonifications d'intérêt pour les petites et moyennes entreprises. Un premier collectif budgétaire soumis à la nouvelle Assemblée a mis à jour les comptes de l'État. Mais l'apurement du passé en était responsable pour 22,2 milliards (dans son ultime rapport sur l'état de la France, R. Barre avait concédé un déficit de 48 milliards). Les mesures sociales du premier volet représentaient la différence (5,3 milliards). Les actions économiques étaient en effet financées par des recettes exceptionnelles : surtaxe sur les 108 000 contribuables payant plus de 100 000 F d'impôt direct en 1980, augmentation de la TVA sur les hôtels de luxe et des droits sur les gros bateaux de plaisance, taxation du train de vie des sociétés, des banques et des pétroliers. Mais il faudra, en 1982, trouver d'autres ressources, ces taxes n'étant pas reconductibles.