Alertée, la population de la cité descend et prend à partie les CRS, puis les policiers qui sont venus enquêter. En un mois, il y a déjà eu plusieurs incidents dans la cité, et les gens en ont assez du « cinéma » des représentants de l'ordre. Ce soir-là, l'affrontement est évité de justesse. Mais lorsque, 48 heures plus tard, 3 000 personnes, maire de Marseille en tête, défilent dans les rues de la ville, la manifestation se termine par des accrochages violents entre policiers et individus incontrôlés.

Routine

À Grenoble, en mars 1981, une autre affaire de routine se termine mal. Dans la nuit. Christian Tard, 21 ans, grille un feu rouge au volant de sa BMW. Une voiture de police l'aperçoit et le prend en chasse, bientôt relayée par un collègue qui rentrait chez lui avec sa voiture personnelle. Dans une impasse, le jeune homme est contraint de s'arrêter. Son poursuivant tire et l'abat. Il expliquera à l'Inspection générale des services que, tenant son revolver d'une main, conduisant de l'autre, il a perdu le contrôle de son véhicule, et que le coup est parti tout seul.

Même scénario à Saint-Macaire en Gironde, le 11 novembre 1980. Michel Paris est installé dans la bourgade depuis quelques mois. Cet après-midi-là, à bord de sa fourgonnette, il ne s'arrête pas à un barrage de gendarmerie. Après tout, il habite à quelques mètres de la gendarmerie de Saint-Macaire, et on a dû le reconnaître. Pourtant, cet incident le préoccupe, et plus tard en rentrant chez lui, il s'arrête pour se présenter à la gendarmerie. À peine descendu de sa fourgonnette, il aperçoit dans la cour de la caserne un des hommes qui se trouvaient au barrage routier un peu plus tôt. Sans sommation, ce dernier l'abat d'une rafale de mitraillette.

Les gendarmes de Mutzig dans le Bas-Rhin n'ont pas non plus fait de sommation en apercevant, la nuit du 1er avril 81, des jeunes gens qui, à l'évidence, tentaient de voler une R16. Ils ont tiré au moment où la voiture démarrait. Un des voleurs a été tué sur le coup. C'était un appelé d'une caserne de la région

En service

En novembre, Roger Lanusse, 56 ans, s'enferme dans sa maison de Sainte-Hélène. Il est soupçonné du meurtre d'un forestier retrouvé non loin de chez lui. Mais il refuse de laisser les gendarmes approcher de sa baraque de planches. Pour le réduire, on a coupé l'électricité et il ne peut plus utiliser son chauffage d'appoint. Il fait très froid. Vers midi, le 6 novembre, Roger Lanusse sort de chez lui pour ramasser du bois. Trois coups de feu claquent. Roger Lanusse s'écroule, foudroyé.

Autres bavures, celles qui conduisent des passants complaisants au commissariat de police, où ils sont proprement passés à tabac. À deux reprises, en novembre et en mars, des curieux viennent en aide à des blessés de la circulation à Paris ou tentent de séparer deux automobilistes qui se bagarrent. C'est sur eux que s'abat la poigne des représentants de l'ordre, complétée de coups ou d'injures.

Mais les policiers ou les gendarmes sont, eux aussi, victimes d'imbéciles ou de fous.

Deux gendarmes de Périgueux meurent ainsi « en service » en juillet 1980. Ils étaient venus ramener le calme entre Dominique Ayet, récemment libéré de prison, et sa compagne, qui lui avait annoncé ses fiançailles. Fou de rage, Ayet abat les deux gendarmes, puis son amie.

À Retournac, en Haute-Loire, c'est en venant chercher un insoumis que le gendarme Philippe Zimmerman, 29 ans, est tué. Lui et son collègue avaient bien découvert Christian Vignel, caché derrière la maison paternelle. Ils allaient remonter avec le jeune homme en voiture lorsque des coups de feu sont partis de la ferme. C'est Jean Vignel, le père, qui a tiré. Il ne voulait pas que son fils aille « faire l'armée ».

À Saint-Ouen, le 13 octobre 80, c'est une autre opération de routine qui finit mal. Vers 0 h 45, des policiers investissent le bar Le pélican et vérifient l'identité des consommateurs. L'un d'eux ne les laisse pas s'approcher. Il sort un revolver 6,35 de sa poche et tire. Jean-Claude Gatuingt, un des agents de police, est tué sur le coup. Son meurtrier est un permissionnaire qui a oublié de retourner en prison depuis 8 mois.