Consommation

Producteurs et consommateurs à la recherche d'un style de concertation

Lutte ouverte ou concertation ? Le dialogue est décidément bien difficile entre consommateurs, entreprises et pouvoirs publics, et, malgré les très nombreuses rencontres, tables rondes et autres forums organisés en 1980 et 1981, les partenaires en restent à tenter de définir une règle du jeu qui satisfasse tout le monde. L'heure n'est plus à contester la réalité du pouvoir consommateur, mais à s'accorder sur la manière dont ce pouvoir doit effectivement s'exercer.

Boycott

Affaire exemplaire, le boycott de la viande de veau a donné la mesure de cette force : de nombreuses fraudes, découvertes dans une dizaine de départements, relancent, début septembre 1980, la polémique sur le veau aux hormones. Pour obtenir le respect de la loi du 27 novembre 1976, qui interdit formellement l'usage des œstrogènes en élevage, l'UFC lance un mot d'ordre de boycott. Simple bouderie des achats au départ, le mouvement, relayé par les médias, se transforme, en quelques semaines, en rejet brutal. Les ventes chutent de 30 à 50 %, les prix au détail s'effondrent. Sur un an, la consommation de veau aura baissé de 10 % au total.

Puis, fait sans précédent dans l'histoire du consumérisme, l'affaire prend une dimension européenne. L'Italie, la Belgique, la Grande-Bretagne emboîtent le pas, et, au niveau communautaire, le Bureau européen des unions de consommateurs invite officiellement le public à s'abstenir de manger de la viande de veau.

La Commission de la CEE se saisit du problème et propose d'interdire et de contrôler les œstrogènes dans les pays du Marché commun. En France, après avoir condamné le mouvement, les pouvoirs publics s'appliquent à apaiser les inquiétudes en s'engageant à faire respecter strictement la loi. Et les partenaires de la filière veau mettent au point, en février 1981, une Charte du veau qui garantit la qualité des produits à tous les stades de la chaîne de production.

En fin de compte, les consommateurs s'estiment — relativement — satisfaits, tout en constatant que ces engagements ne font que promettre l'application d'une loi vieille de plus de quatre ans. Quoi qu'il en soit, cette affaire accusait, dès la rentrée, les limites du dialogue entre les partenaires de la consommation.

Dialogue

René Monory, alors ministre de l'Économie, a certes tenté de définir une philosophie en la matière. Lors des Rencontres européennes de la consommation, en octobre 1980, il s'était résolument prononcé pour le « contre-pouvoir » consommateur, à condition qu'il s'exprime comme une « force tranquille et sûre d'elle-même ». Soucieux de libéralisme économique, il déclarait venu le temps de l'« extraréglementaire », celui de la concertation. C'est dans cette optique que les moyens techniques et financiers des associations ont été renforcés, notamment au plan local : subventions en hausse, doublement du temps d'antenne à la télévision, notamment.

Il serait injuste de dire que cet appel à la sérénité et au dialogue est resté lettre morte : accord pour la réparation automobile, chartes commerçants-consommateurs signées en divers endroits, efforts de moralisation de la vente par correspondance, concertation consommateurs-industries pharmaceutiques, etc. Au crédit de a politique d'apaisement : le contrat normalisé de service après vente publié par l'AFNOR début 1981, et que bon nombre de professionnels de l'électroménager se sont d'ores et déjà engagés à appliquer.

Ces initiatives, saluées comme très positives par les partenaires, n'en restent pas moins ponctuelles et limitées. Le développement de la solution contractuelle entre les partenaires se heurte à deux écueils : d'une pat les réticences du CNPF, qui se déclare hostile à la signature de conventions collectives de la consommation, dont l'idée était lancée en 1980 ; d'autre part, la hantise chez les consommateurs d'une récupération possible, mais aussi leur profond scepticisme à l'égard d'une négociation sur un pied d'égalité avec les professionnels.

Durcissement

Le durcissement du litige entre Kléber-Colombes et l'UFC (Journal de l'année 1979-80) n'a pas contribué à détendre l'atmosphère Tandis que la bataille d'experts fait toujours rage autour de la sécurité des pneus V12, suspectés d'éclatements trop fréquents, le tribunal de Paris condamne l'UFC en première instance à 250 000 F de dommages et intérêts, estimant que l'association aurait dû se livrer à une enquête plus sérieuse avant de lancer un appel au boycott. Confortée par des résultats d'enquêtes similaires publiés en Belgique et en RFA, l'UFC fait appel et réitère sa demande de retrait du marché des pneus incriminés.