Elle continue à manifester sa solidarité avec Israël, mais elle considère, aussi, depuis Copernic, qu'un certain nombre d'actions sont également nécessaires à sa propre sécurité. Les écoles juives, nombre d'institutions juives sont munies de systèmes de protection imposants et, dans bien des villes, les synagogues, devant lesquelles aucune voiture n'est plus habilitée à stationner, sont gardées par la police.

Le sentiment d'insécurité sera renforcé par l'assassinat, quelques semaines après Copernic, d'un Juif, directeur d'une agence spécialisée dans les voyages entre l'Égypte et Israël, rue Taitbout à Paris. L'antisémitisme se manifestera au plan individuel par l'une ou l'autre action contre un Juif, mais il n'apparaît pas qu'il soit coordonné par une organisation. La profanation de 80 tombes dans le carré juif du cimetière de Bagneux, en avril 1981, révèle, cependant, une volonté délibérée d'antisémitisme spectaculaire.

Signe des temps : le professeur Georges Wellers, historien, rescapé des camps de concentration, se voit obligé, en réponse notamment aux thèses de Faurisson sur Auschwitz, de publier un livre intitulé Les chambres à gaz ont existé (Gallimard), et la Fondation française accorde son premier prix à l'œuvre de Léon Poliakov, historien de l'antisémitisme.

Copernic, et c'est la troisième conséquence, n'est pas sans influence sur la campagne électorale.

Une phrase maladroite du Premier ministre contribue à approfondir le malaise, alors qu'on remarque l'absence de tout représentant du gouvernement aux différentes manifestations de solidarité avec la communauté juive. Jacques Chirac ainsi que François Mitterrand sont en revanche présents dans les réunions rue Copernic et à d'autres rassemblements de protestation contre l'attentat.

Vote-sanction

Le vote juif est l'un des thèmes qu'affectionnent les médias. D'aucuns estiment à 400 000 le nombre de Juifs à exprimer leur suffrage. Si le CRIF, qui représente politiquement la communauté juive, refuse de donner la moindre directive de vote, il n'en prend pas moins une position très ferme dans une déclaration publiée avant le premier tour. Une délégation du CRIF est reçue entre les deux tours par les deux candidats, auxquels elle demande de prendre publiquement position sur 10 points reflétant les préoccupations juives.

Cependant le Renouveau juif, organisation jeune mais forte de plusieurs milliers d'adhérents (Journal de l'année 1979-80), réclame de la part des Juifs de France un vote-sanction à l'encontre du président sortant.

La communauté juive, enfin, manifeste son intérêt à la nomination, à l'archevêché de Paris, de Mgr Jean-Marie Lustiger, juif converti au catholicisme pendant la guerre, à l'âge de 14 ans.

De source catholique, il est officieusement précisé que le pape a voulu de la sorte réagir, au lendemain de Copernic, contre l'antisémitisme en France, en nommant archevêque un évêque d'origine juive. Mais le nouveau grand rabbin de France, dans son allocution d'installation, désapprouve les déclarations de Mgr Jean-Marie Lustiger, qui prétend assumer à la fois judaïsme et christianisme.

Un sépharade

Âgé de 50 ans, René Samuel Sirat, nouveau grand rabbin de France depuis le 1er janvier 1981, est le premier à être élu pour une période de sept ans (renouvelable), en vertu des nouveaux statuts du Consistoire central.

René Sirat n'a exercé que très peu d'années comme rabbin communautaire. Universitaire, il a dirigé l'enseignement de l'hébreu à l'École des langues orientales. Né à Bône, en Algérie, il se distingue surtout par son origine sépharade et représente ainsi, sur le plan des usages rituels et du point de vue ethnique, la collectivité sépharade, majoritaire en France depuis 1962. Quoiqu'il n'existe pas dans le judaïsme français de véritable problème sépharade, comme c'est le cas en Israël, les Juifs sépharades de France ont paru satisfaits de voir nommer à la fonction suprême un des leurs.

La nomination de René Sirat a bénéficié de l'intérêt des médias. Pour la première fois, un grand rabbin de France était, le 12 janvier 1981, l'invité de l'émission Cartes sur table. Et la télévision transmettait intégralement la cérémonie de son installation, le 5 avril 1981.

Du point de vue doctrinaire, le nouveau grand rabbin appartient à un courant prônant une stricte fidélité aux principes religieux. Il entend promouvoir surtout l'enseignement du judaïsme.