Le 3 octobre 1980, pendant que, dans la synagogue de la rue Copernic, à Paris (l'une des deux synagogues libérales de France), les fidèles célèbrent l'office de Sim'hat Thora (la joie de la Thora), une violente explosion démolit l'entrée de l'oratoire, tue quatre passants (dont une Israélienne) et en blesse grièvement vingt autres.

Copernic

Il s'en est fallu de quelques minutes pour que l'engin, qui avait été placé sur une Mobylette contre le mur de la synagogue, ne cause une véritable hécatombe parmi les très nombreux fidèles qui allaient quitter l'office.

Rarement un attentat antisémite n'eut d'aussi importantes répercussions. D'abord, parce qu'il survient immédiatement après une série d'actions antisémites.

Précédemment, certes, on avait déjà cherché à tuer des Juifs. Une bombe avait explosé, le 27 mars 1979, devant un restaurant universitaire juif rue de Médicis, à Paris. Plusieurs étudiants avaient été grièvement blessés. Mais l'attentat avait été revendiqué par une organisation palestinienne. Ce n'était pas un antisémitisme à la française.

Le 27 juillet 1980, à Anvers, un garçon français de 15 ans, David Kohane, tombait, tué par une grenade lancée par un Palestinien contre un groupe d'enfants juifs qui partaient en vacances. L'attentat n'était pas, là non plus, le fait d'antisémites français. Mais ces derniers ne tardent pas à se manifester.

Attentats

L'opinion publique prend d'abord connaissance de tracts vulgairement antisémites édités par la FANE, mouvement d'extrême droite dirigé par Marc Fredriksen. Puis on apprend, au début de l'automne, que la FANE a signé un document menaçant de mort soixante-sept dirigeants de la communauté juive de Nice.

Le gouvernement, qui ne semblait avoir adopté de mesures antiterroristes qu'à rencontre des groupes d'extrême gauche, prononce la dissolution de la FANE. Puis se succèdent un attentat à la bombe, destiné à intimider le président de la Ligue des droits de l'homme, et l'incendie d'une entreprise appartenant à un militant juif, dans le quartier du Sentier, à Paris.

Huit jours avant l'attentat de Copernic, pendant les fêtes de Souccoth, des slogans nazis souillent la porte de la principale école juive primaire de Paris, avenue Secrétan, dans le XIXe arrondissement, à l'emplacement d'une plaque qui rappelle le martyre des enfants juifs de cette école, déportés pendant la guerre. Des inscriptions antisémites sont apposées sur un certain nombre de bâtiments de ce quartier à forte densité juive.

Malgré les demandes réitérées des dirigeants de l'école, le commissariat n'accepte pas de faire garder l'école. Les Juifs de Paris avaient déjà été troublés par la réticence des pouvoirs publics à assurer une surveillance des synagogues.

Des coups de feu sont tirés, dans la nuit du 26 septembre 1980, sur la même école de l'avenue Secrétan. La même nuit, le Mémorial du martyr juif inconnu, une crèche juive et la synagogue de la rue Chasseloup-Laubat sont mitraillés ! Un même groupe semble responsable de ces attentats, et de graves reproches sont adressés aux services de police qui avaient manifesté leur impuissance et, moins d'une semaine plus tard, c'est Copernic.

On accuse la police d'être noyautée par les extrémistes de droite, ce qui expliquerait sa carence. Par la suite seulement, l'hypothèse d'un attentat lié au terrorisme international paraîtra de plus en plus plausible.

Solidarité

En attendant, et c'est la première conséquence de Copernic, un mouvement de solidarité d'une ampleur exceptionnelle se manifeste en faveur de la communauté juive de France. Ils sont des dizaines de milliers à défiler à Paris et en province, et les médias donnent au caractère ignominieux de l'antisémitisme un retentissement sans précédent. Les commentateurs relèvent aussi les liens organiques entre antisémitisme et fascisme, et Copernic contribue à freiner brutalement la montée de l'extrême droite en France.

La seconde conséquence concerne plus directement la communauté juive, qui tend, depuis Copernic, à se replier sur elle-même. Elle constate que l'antisémitisme en France n'appartient plus à un passé révolu.