Vie religieuse

La violence pénètre jusqu'au Vatican Attentat contre Jean-Paul II

Mercredi 13 mai 1981. L'Église catholique, ce jour-là, manque de tomber dans le drame, et le monde est bouleversé : sur la place Saint-Pierre, à Rome, un homme tire sur le pape Jean-Paul II, le blessant grièvement et mettant sa vie en grave danger.

Tous les mercredis, observant une ancienne tradition, le pape donne une audience publique. À l'époque de Pie XII, ces réceptions se déroulaient dans la basilique Saint-Pierre. Plus tard. Paul VI avait fait construire une vaste salle, près du Saint-Office, pour accueillir les pèlerins et les touristes qui voulaient voir le pape. La popularité de Jean-Paul II est telle qu'il a fallu prendre d'autres dispositions : les audiences se déroulent chaque mercredi (sauf l'hiver) sur la place Saint-Pierre, entre les colonnades du Bernin. Et chaque mercredi s'y retrouve la même cohue colorée et fervente de touristes de toutes couleurs, de pèlerins chaleureux, de gymnastes, de fanfares, d'anciens combattants et de scouts.

Cette foule, qu'il est impossible de contrôler, est seulement canalisée par des barrières de bois blanc entre lesquelles se glisse lentement, à partir de 17 heures, la voiture blanche du pape, qui bénit les pèlerins, salue les groupes, embrasse les enfants qu'on lui tend.

À 17 h 19, ce jour-là, il a presque terminé le tour de la place quand les coups de feu claquent. Jean-Paul II, mains tachées de sang, s'affaisse dans les bras de son secrétaire polonais, le père Stanislas Dziwisz, et de son valet de chambre, Andréa Gugel. Très rapidement sa voiture l'amène au poste de secours proche de la basilique, d'où une ambulance l'emmène à la polyclinique Agostino Gemelli, qui dépend de l'université catholique du Sacré-Cœur. Deux touristes ont été blessées en même temps que lui, dont l'une grièvement. Le pape a été atteint au bras droit, à la main gauche et au ventre. On craint un moment pour sa vie. Mais, après une opération qui dure cinq heures et demie, il se remet assez rapidement, regagne le Vatican, le 3 juin 1981, mais doit être réhospitalisé le 20 juin.

Pourquoi ?

Dans l'Église et dans le monde entier, l'émotion est grande. La tentative d'assassinat d'un pape qui n'a cessé de condamner la violence apparaît à tous comme le symbole de l'exaspération du terrorisme. Bien entendu, on s'interroge sur l'inefficacité des mesures de sécurité (le service d'ordre du Vatican est assuré par 90 suisses en uniforme Renaissance, 100 gardes du corps en civil et 50 policiers italiens qui n'ont pas le droit de dépasser les limites de la place Saint-Pierre) ; mais on conclut vite qu'il est impossible de protéger efficacement un homme si anxieux de se mêler à la foule pour communiquer avec elle.

Surtout, on reprend partout la question que le pape lui-même a posée en tombant dans les bras de son secrétaire : « Pourquoi ? Pourquoi ont-ils fait cela ? » La personnalité de l'agresseur — très rapidement maîtrisé par la police — fournit peu de réponses assurées à cette question. Il s'agit d'un jeune Turc âgé de 23 ans, Mehmet Ali Agca, au passé déjà chargé. En février 1979, il avait assassiné le journaliste Aldi Ipecki, rédacteur en chef du grand quotidien libéral Milliyet. Il militait alors dans les rangs du parti d'action nationaliste, mouvement d'extrême droite.

Fanatiques

Ces fanatiques ont commis beaucoup d'assassinats dans leur pays, où ils bénéficiaient, semble-t-il, de certaines complicités. Elles ont permis en tout cas à Mehmet Ali Agca de s'évader de prison dès la fin de 1979. Et il a expliqué aussitôt qu'il voulait tuer le pape : « C'est l'unique raison qui m'a poussé à m'enfuir. »

Il ne s'agit pas d'un déséquilibré. Les policiers italiens constatent bientôt que le personnage, qui, depuis deux ans, a séjourné dans de nombreux pays européens, jouit d'une parfaite maîtrise de soi. Cet errant n'a jamais eu de problèmes financiers. Il semble avoir été aidé dans son action. La thèse du complot semble pouvoir être retenue sans que l'on puisse déterminer son origine.