L'atterrissage aura lieu le surlendemain, après un vol qui a duré 54 heures 20 minutes, sur la longue piste du lac salé où se trouve la base militaire Edwards, en Californie.

Ainsi, vingt ans jour pour jour après l'exploit de Gagarine et douze ans après le débarquement d'Armstrong et Aldrin sur la Lune (Journal de l'année 1969-70), les Américains ouvrent à l'astronautique une ère nouvelle : celle de l'engin aérospatial piloté et réutilisable.

Diffusés en direct par la télévision, le lancement, certaines phases du vol, le retour et le magistral atterrissage passionnent des centaines de millions de téléspectateurs, tandis que, là-haut, oubliés des médias et pratiquement ignorés du public, deux Soviétiques poursuivent à bord de Saliout 6 une mission routinière.

1980-81, la compétition internationale se joue à l'économie

OTRAG est le sigle de la Orbital Transport und Raketen AG, entreprise allemande de Stuttgart dont le dessein est de produire des fusées simplifiées peu coûteuses, capables de mettre en orbite toutes sortes d'engins. Jusqu'en 1980, son P-DG était un fidèle collaborateur de von Braun, le Dr Debus, ancien directeur au centre de Peenemünde, d'où sortirent les V-2, puis du Kennedy Space Center lors du programme Apollo.

L'OTRAG avait défrayé la chronique en 1976 (Journal de l'année 1977-78), lorsque le président Mobutu avait mis à sa disposition une énorme étendue en territoire zaïrois (150 000 km2). Depuis lors, sous des pressions venant notamment des pays limitrophes, l'entreprise s'était vu retirer sa concession. Elle opère maintenant en Libye, l'éventuelle disposition de grosses fusées n'étant pas pour déplaire au colonel Kadhafi.

Autrement sérieuse est la menace que l'industrie aérospatiale japonaise fait peser sur le marché mondial des lanceurs. Imbattable dans pratiquement tous les domaines où elle s'est attaquée aux productions de l'Occident, on ne voit pas comment les Américains et les Européens pourraient lui résister si elle leur déclarait une guerre des prix. Entrés tardivement dans l'arène spatiale, en 1970, les Japonais ont déjà lancé 20 satellites, soit plus que la France, considérée comme la troisième puissance dans ce domaine. Les Japonais ont profité de l'aide technologique des États-Unis, qui leur ont cédé la licence de fabrication du lanceur Delta. Depuis le début de 1981, ils sont à même de mettre sur orbite géostationnaire des charges de 350 kg ; d'autres lanceurs encore plus puissants sont en construction.

Les Chinois et les Indiens (l'Inde réussit le 18 juillet 1980 sa première satellisation avec une fusée de fabrication nationale) pourraient bientôt se joindre aux Européens et aux Japonais pour concurrencer les Américains et les Soviétiques, mais les deux grandes puissances spatiales ont d'autres raisons qui les poussent à chercher à abaisser le coût de leurs lanceurs. La crise économique rend plus lourdes les dépenses spatiales, estimées, pour l'une comme pour l'autre, à quelque 40 milliards de F. D'autre part, comme dans tout autre domaine, l'abaissement des coûts est une fin en soi : dans toute technologie nouvelle, la, première phase de développement à tout prix est suivie d'une autre phase où l'on cherche à rentabiliser l'acquis. Mais c'est avec des optiques différentes que les deux grands de l'espace ont abordé le problème du lanceur économique des années 80.

La solution américaine est la navette spatiale (Space Shuttle), avion-fusée capable, à l'aide de deux fusées à propergol solide, de se satelliser avec une charge utile de plus de 29,5 t, puis, sa mission accomplie, de retourner vers la Terre en vol plané et d'atterrir sur une piste de 4 600 m spécialement construite à cap Kennedy. Théoriquement, cet engin doit être réutilisé une cinquantaine de fois ; les deux accélérateurs, largués en parachute, devraient servir une vingtaine de fois.

Révolutionnaire

Il s'agit donc a priori d'un lanceur économique. Avant même le premier vol, le programme a déjà englouti 9 milliards de dollars, investissement qui paraît difficilement amortissable. En outre, les contraintes auxquelles est soumis ce matériel et les exigences de la sécurité des astronautes sont telles qu'il est peu probable que le nombre des voyages prévu puisse être atteint.