La crise est plus dure encore en Grande-Bretagne que dans les autres pays européens. La potion monétariste que le gouvernement conservateur, sorti des élections de 1979, impose à l'économie (Journal de l'année 1979-80), semble n'avoir eu pour résultat que d'aggraver ses effets : non seulement sur le chômage, dont la charge en indemnisations est estimée à 8 milliards et demi de livres (environ 95 milliards de F), mais sur la production industrielle, qui diminue de 12 %, et la balance commerciale largement déficitaire.

Le déficit budgétaire atteint 13,5 milliards de livres (environ 150 milliards de F). Seul élément positif du bilan de l'expérience Thatcher : le ralentissement de l'inflation, qui passe de 22 % à 12,5 %. Mais la masse monétaire, dont la progression devait être réduite à 7 % — ou au maximum à 11 % —, a, malgré les coupes claires effectuées dans les dépenses publiques, atteint 24,5 %.

Tollé

La fermeté du Premier ministre à poursuivre sa politique reste néanmoins entière, en dépit des pressions qui s'exercent sur elle tant de la part du patronat que d'une large frange du parti conservateur. Loin de desserrer l'étau, le nouveau budget présenté en mars accroît la pression fiscale tant directe qu'indirecte.

L'augmentation de la taxe sur l'essence, en particulier (20 pence par gallon), provoque un tollé général et une véritable révolte parmi les députés conservateurs : le pétrole n'est-il pas l'une des richesses miraculeuses de la Grande-Bretagne ?

Le Premier ministre a tôt fait cependant de réduire la grogne dans son parti, clouant au pilori les wets (poules mouillées) qui renâclent devant les sacrifices. Déjà, en janvier, lors de son premier remaniement ministériel, elle avait froidement écarté les frondeurs, comme le leader de la Chambre des communes, Norman Saint John Stevas, pourtant l'un de ses amis de la première heure, et sacrifié à titre d'exemple quelques ministres « dépensiers », comme le ministre de la Défense, Francis Pym.

Intransigeance

C'est apparemment avec la même fermeté que Margaret Thatcher affronte les conflits sociaux, la grève des fonctionnaires au printemps en particulier. Et, pourtant, elle cède devant une menace de grève des mineurs et renonce au plan de restructuration des charbonnages qui comportait la fermeture de nombreux puits.

De même, le gouvernement accorde finalement une aide exceptionnelle de 3,5 milliards de livres à British Steel et à British Leyland, deux industries nationalisées. Simples exceptions de circonstances beaucoup plus que changement de politique.

Dans tous les autres domaines, la fermeté — et même l'intransigeance — reste la règle. Margaret Thatcher a tranché en juillet 1980 le long débat sur la défense, en choisissant pour moderniser la force de dissuasion britannique le missile américain Trident. Choix coûteux — le programme avec ses 4 nouveaux sous-marins nucléaires entraînera 50 milliards de F de dépense en quinze ans. Choix contesté aussi, non seulement par l'opposition, mais par de nombreux experts militaires. Mais décision dictée par des convictions atlantistes que les sacrifices n'effraient pas.

Même intransigeance à l'égard des grévistes de la faim irlandais : pendant des mois, Margaret Thatcher refusera le moindre geste de conciliation qui aurait pu empêcher la mort des jeunes militants de l'IRA. Le terrorisme, quelles que soient ses armes, ne peut, à ses yeux, espérer ni concession, ni indulgence, ni pitié. Pourtant, Margaret Thatcher, plus qu'aucun de ses prédécesseurs, s'est attelée à la rude tâche de trouver une solution pour les six comtés de l'Ulster, en jetant un pont entre Londres et Dublin. Au risque d'éveiller du même coup l'opposition violente des protestants du pasteur Ian Paisley.

Virage

Sa politique irlandaise, faite d'intransigeance mais aussi d'ouverture, a rencontré une large approbation de l'opinion britannique. C'est même l'unique terrain où conservateurs et travaillistes se rejoignent. Car, si les conservateurs sous Margaret Thatcher évoluent vers un néolibéralisme musclé, le parti travailliste, lui, bascule vers une gauche radicale.