Inquiet des proportions prises par le conflit au sein du pouvoir islamique, l'imam Khomeiny intervient le 17 pour mettre fin aux querelles entre les dirigeants et constitue une commission tripartite pour arbitrer les divergences entre le chef de l'État et le PRI.

La trêve ne sera que de courte durée. Surestimant ses forces et convaincu que le guide de la révolution se cantonnera dans une neutralité qu'il espère bienveillante à son égard, Bani Sadr exige le 20 mai 1981 un référendum national pour régler son différend avec le chef du gouvernement « dont le seul objectif, affirme-t-il, est la mise à l'écart du président de la République ».

L'ayatollah Behechti, mis en cause à travers M. Radjaï, contre-attaque en affirmant qu'un éventuel référendum « vise en fait à affaiblir la République islamique, la Constitution, le Parlement et le gouvernement ». Le chef du PRI accuse par ailleurs le chef de l'État d'avoir à deux reprises violé la Constitution en s'abstenant de fournir à la Cour suprême — dont M. Behechti est le président — la liste de ses avoirs et de ceux de sa famille, et en refusant de ratifier la loi confiant au Premier ministre l'intérim du ministère vacant des Affaires étrangères.

Menace

L'imam Khomeiny, qui paraissait jusque-là observer une attitude ambiguë de neutralité entre les deux factions rivales, intervient le 27 mai au détriment de Bani Sadr, en lançant une sévère mise en garde à ceux qui s'opposent aux décisions du Parlement, « la plus haute autorité du pays », et en affirmant que quiconque défie les décisions du Majlis sera poursuivi par le peuple comme « corrompu sur terre ».

La menace contre le président Bani Sadr, qui semble avoir dépassé certaines limites en s'en prenant à l'ensemble des institutions du régime islamique mises en place personnellement par l'imam Khomeiny, se précise. Inquilab Islami, journal du chef de l'État, et Mizan, représentant l'opposition libérale, sont interdits le 7 juin.

Destitution

Le conflit atteint rapidement un point de non-retour. Bani Sadr lance par le truchement de centaines de milliers de tracts un appel à la population l'invitant à « résister à la dictature que l'on tente de vous imposer ». Piqué au vif, l'imam Khomeiny adresse un dernier avertissement à celui qui fut son fils spirituel, menaçant de le faire traduire en justice. Il lui retire le 10 juin le commandement de l'armée, sans susciter de réactions défavorables parmi les militaires, qui réaffirment leur loyalisme au guide de la révolution. Sentant l'étau se resserrer, le président de la République se réfugie dans la nuit du 12 au 13 dans la clandestinité, après avoir adressé au « peuple musulman d'Iran » une proclamation dénonçant le « coup d'État rampant » destiné « à me priver non seulement de mes fonctions, mais aussi de la vie ».

Les événements se précipitent ; la grande manifestation populaire organisée par l'opposition pour le lundi 15 juin échoue à la suite d'une intervention radiodiffusée de l'imam invitant les « bons musulmans égarés par les ennemis de l'Islam » à exprimer leur « repentir et leur loyalisme » ; la rue est désormais contrôlée par les Hezbollahis du PRI, qui réclament la mort de Bani Sadr. Ce dernier rejette une dernière offre de l'imam de se racheter à condition de reconnaître publiquement qu'il avait violé son mandat présidentiel et la Constitution. Des affrontements sanglants entre les Moudjahidin du peuple (extrême gauche islamique), qui demeurent fidèles au chef de l'État, et les forces de l'ordre, à Téhéran et dans les principales villes de province, font des dizaines de tués de part et d'autre, le 20 juin.

En l'absence des députés favorables au chef de l'État, le Majlis vote le 21 juin 1981 la déchéance de Bani Sadr. Le sort de l'ancien président de la République, caché quelque part en Iran, est désormais scellé. L'imam signe le décret le destituant formellement de ses fonctions présidentielles, et un mandat d'arrêt est lancé contre lui.

Carnage

La répression ne vise pas uniquement les partisans les plus proches de l'ancien chef de l'État, mais également toutes les forces de l'opposition, dont il était devenu le représentant. En quelques jours, des milliers d'arrestations sont opérées et une cinquantaine d'opposants sont exécutés sommairement à l'issue de procès expéditifs.