C'est d'ailleurs cet extraordinaire amoncellement de périls qui encourage l'Iraq à déclencher, le 22 septembre 1980, une guerre conçue à l'origine comme une simple formalité destinée à hâter l'effondrement d'un régime considéré un peu prématurément comme moribond.

C'est exactement le contraire qui se produit et la « guerre bénie » — pour utiliser les propres mots de l'imam Khomeiny —, en provoquant un sursaut de nationalisme, ne fera que renforcer le prestige de la République islamique qui a su contenir l'avance de la puissante armée de Bagdad et porter des coups sévères à l'économie iraqienne.

La lutte pour le pouvoir n'est pas réglée pour autant et la guerre contre « l'infidèle de Bagdad » remplace l'affaire des otages comme instrument de lutte contre le président Bani Sadr. Quittant Téhéran, où il n'a pratiquement plus rien à faire, ce dernier s'installe au Khouzistan parmi les militaires, pour tenter de redorer sur le champ de bataille son blason passablement terni par l'affaire des otages.

Le PRI entend cependant garder pour lui tout le mérite de la lutte contre les Iraqiens et exerce un contrôle minutieux sur les activités militaires du chef de l'État, rapidement neutralisé au sein du Conseil suprême de la défense, dont il est théoriquement le président en sa qualité de commandant en chef de l'armée.

Conditions

Les autorités mettent les bouchées doubles pour liquider le problème des otages, devenu désormais un fardeau encombrant qui empêche de disposer des avoirs gelés par Washington mais nécessaires, pour financer l'effort de guerre. Le Majlis adopte le 2 novembre 1980 les quatre conditions fixées par l'imam pour le règlement de l'affaire des otages — engagement de non-ingérence de Washington, restitution des avoirs iraniens gelés et de la fortune du chah, annulation des poursuites judiciaires — et se dessaisit du dossier au profit du gouvernement.

Menées par l'intermédiaire de l'Algérie, qui représente les intérêts des États-Unis en Iran, les tractations aboutiront, au bout de deux mois et demi d'âpres marchandages, marqués par bon nombre de rebondissements. Une déclaration générale publiée par le gouvernement algérien fixe le 19 janvier 1981 une série d'« engagements interdépendants » qui tracent les contours d'un accord politique et financier d'une extrême complexité.

Les États-Unis s'engagent à rétablir dans la mesure du possible la position financière de l'Iran, telle qu'elle était avant le 14 novembre 1979 (date du gel des avoirs iraniens), à mettre fin à toutes les actions judiciaires devant les tribunaux américains et à geler tout transfert des biens du chah vers l'étranger. Washington promet en outre « de ne plus intervenir directement ou indirectement, politiquement ou militairement dans les affaires intérieures de l'Iran ». Un tribunal d'arbitrage international est créé pour régler les litiges en suspens.

Affrontements

En fait, une fois accomplies les opérations de compensation, Téhéran n'aura récupéré qu'environ 2,7 milliards de dollars sur les 8 milliards gelés au début de la crise. Dernière humiliation infligée au président Carter par ses adversaires de Téhéran : les otages ne seront libérés que le 21 janvier 1981 en début de soirée, quelques instants seulement après l'entrée en fonctions du président Reagan.

Le président Bani Sadr, qui avait été tenu systématiquement à l'écart des négociations, qualifie l'accord d'Alger de marché de dupes. Dans une allusion à peine voilée aux dirigeants religieux, il demande, le 2 février 1981, aux citoyens de « résister aux brutes et aux tyrans ». Des affrontements dans l'enceinte de l'université entre ses partisans et ceux de l'ayatollah Behechti font le 5 mars une cinquantaine de blessés.

Trois jours plus tard, l'ayatollah Khalkhali, considéré jusque-là comme favorable aux thèses du chef de l'État, exige sa « mise en jugement », en rappelant le processus constitutionnel qui autorise le cas échéant une destitution. Le 9, M. Radjaï accuse le président de la République de vouloir former un « gouvernement parallèle » ; le 11, le Majlis renforce les pouvoirs du Premier ministre au détriment de Bani Sadr.