Tripoli dénonce sans mesure « l'intervention abjecte du néocolonialisme français en Centrafrique ». N'Djamena s'indigne de ce qu'une partie des troupes françaises ait utilisé l'aéroport de la capitale tchadienne pour transiter vers Bangui.

Malaise

La nomination, comme Premier ministre, de Bernard Ayandho, qui faisait partie du gouvernement centrafricain dans les années 60, n'apaise pas entièrement la tension. Les opposants s'insurgent contre « les hommes du passé installés par la France » après que Dacko a publiquement souhaité la prolongation de la présence militaire française « dix ans s'il le faut ». L'attitude des autorités françaises qui empêchent l'ancien Premier ministre Ange Patasse de quitter Paris pour Bangui, le contraignant indirectement à chercher asile à l'ambassade de Libye, ajoute au malaise.

La demande d'extradition de Bokassa déposée par Dacko auprès de Houphouët-Boigny, la reprise de l'aide économique et financière française en Centrafrique suspendue quelques mois avant la chute de l'empire, le départ d'Ange Patasse pour Tripoli contribuent un moment à détendre un peu l'atmosphère. De son côté, Dacko multiplie les appels « au calme, à la paix et au maintien de l'ordre ». Le 4 octobre 1979, venant de Libye, Ange Patasse débarque à Bangui, où il est accueilli par quelques centaines de ses partisans avant d'être reçu, quarante-huit heures plus tard, par David Dacko.

Tandis que la politique française fait l'objet, à Paris même, de critiques de plus en plus vives, qui ne sont pas uniquement le fait de l'opposition, éclate, le 10 octobre, l'affaire des diamants : l'hebdomadaire satirique le Canard enchaîné affirme que le président Giscard d'Estaing et plusieurs membres de sa famille ont, à diverses reprises, reçu en cadeau des diamants offerts par Bokassa. Quelques jours plus tard, des accusations sont formulées contre les troupes françaises, qui auraient procédé à l'évacuation des archives de la résidence impériale de Berengo pour les transférer à l'ambassade de France à Bangui — accusations démenties par Jean François-Poncet et par David Dacko, qui indique « avoir donné des instructions pour sauvegarder les archives impériales ».

Les biens de l'ancien empereur sont saisis en octobre, ce qui donne satisfaction à la population centrafricaine. Mais Sylvestre Bangui, ministre des Affaires étrangères, leader d'un fantomatique parti d'opposition à l'empire créé quelques semaines avant la chute de Bokassa, écarte l'idée de tout dialogue avec Ange Patasse, aussitôt placé en résidence surveillée tandis que son domicile est incendié par l'armée et qu'une manifestation d'élèves du lycée Boganda est dispersée par la force.

Protestations

Six semaines après le rétablissement de la république, l'épreuve de force semble engagée entre les nouveaux dirigeants et une partie importante de l'opposition apparemment réduite au silence. Dacko n'est pas seul à avoir à faire face aux critiques formulées par les régimes progressistes d'Afrique noire, du Bénin au Congo, par exemple. La France, considérée comme responsable de cet état de fait, se trouve également sur la sellette.

Après le transfert d'Ange Patasse à la prison de Ngaragba, la rentrée scolaire du 5 novembre s'effectue sans incident et, après une visite à Bangui de Robert Galley, ministre de la Coopération, le 16 décembre, une des trois compagnies de parachutistes stationnées dans la capitale centrafricaine, regagne la France. Néanmoins, les partisans d'Ange Patasse continuent régulièrement de protester contre la mise à l'écart de leur leader. De son côté, le Dr Abel Goumba, ancien vice-président du Conseil de gouvernement de l'Oubangui-Chari, animateur du Front patriotique oubanguien (FPO), mouvement d'opposition à Dacko, proteste à partir de Cotonou, où il est fonctionnaire international, contre « l'illégalité du gouvernement Dacko installé par l'armée française ».

Une mutinerie a lieu à la prison de Ngaragba en janvier 1980, à laquelle refusent de s'associer Ange Patasse et les prisonniers politiques détenus avec lui. Le mois suivant s'ouvre à Bangui le procès de plusieurs personnalités de l'ancien régime impliquées dans des crimes de sang ; elles sont condamnées à mort.

Finances

Le premier souci de Dacko est d'éviter la banqueroute. Or, les finances publiques sont dans un état de délabrement total, saignées par les dépenses extravagantes d'un empereur dont les fantasmagories mégalomaniaques n'avaient pas de limites. Mis au point par une équipe de coopérants français, un plan de redressement économique draconien reçoit l'accord du Premier ministre Raymond Barre, et un concours exceptionnel de 30 millions de F est immédiatement accordé par la France, qui, en octroyant une subvention d'équilibre budgétaire, permet également au nouveau régime de payer ses fonctionnaires, en majorité restés sans traitement depuis plusieurs mois.