C'est le constat que fait Valéry Giscard d'Estaing, le 5 juin, devant les chambres d'agriculture : « L'intégration de certains nouveaux membres n'est pas encore complète puisqu'ils demandent à être dispensés d'une partie des obligations communautaires. » Et d'en tirer une conséquence quant à la poursuite des négociations avec l'Espagne et le Portugal : « Il n'apparaît pas possible de cumuler les problèmes et les incertitudes liés à la prolongation du premier élargissement et ceux que poseraient de nouvelles adhésions. » Le terme de « pause » n'est pas employé, mais personne ne s'y trompe.

Les Espagnols et les Portugais paient pour les Anglais ; mais pouvait-on faire un procès d'intention aux Britanniques et prétendre à l'avance qu'ils ne joueraient pas le jeu ? Les deux ans qui viennent vont peser lourd dans le destin de la Communauté.

Le Conseil de Venise a fait la preuve cependant que l'Europe peut affirmer son autonomie de pensée, sinon d'action, devant des tâches aussi importantes que la paix au Proche-Orient, comme elle avait fait la preuve l'an passé qu'elle pouvait organiser autour du SME un pôle de stabilité monétaire qui a encaissé sans coup férir une réévaluation du DM, les effets perturbateurs du second choc pétrolier et les à-coups d'une politique économique américaine chaotique.

Assemblée de Strasbourg : bilan d'une année de travaux

Avec la fougue de la jeunesse, l'Assemblée européenne des neuf pays de la Communauté a abordé, durant sa première année d'existence, tous les problèmes de l'époque. Un nombre impressionnant de résolutions a été voté sur les sujets les plus divers. Si certains débats ont donné l'impression de servir de cadre à des règlements de comptes plus nationaux qu'européens, d'autres, au contraire, ont reflété des préoccupations plus conformes à la mission de cette nouvelle assemblée élue au suffrage universel par 185 millions d'Européens (Journal de l'année 1978-79).

Deux des débats de l'Assemblée de Strasbourg ont plus particulièrement retenu l'attention. D'abord le rejet, le 13 décembre 1979, du budget communautaire 1980 jugé trop déséquilibré, trop favorable à l'agriculture, minimisant l'emploi, l'énergie, l'industrie, etc. L'Assemblée a exercé là le droit de contrôle que lui confèrent les traités. Second débat, l'examen, en septembre 1979, mais par le biais de la politique industrielle, des problèmes militaires et de défense, ce qui a provoqué beaucoup de remous dans les capitales des Neuf et particulièrement à Paris.

Enfin, l'Assemblée de Strasbourg a discuté, quelquefois avec passion, durant les premiers mois de 1980, des problèmes de l'invasion de l'Afghanistan, des otages d'Iran, des droits de l'homme (affaire Sakharov), des jeux Olympiques, mais aussi de questions plus spécifiquement européennes telles que l'énergie, les rapports sociaux, l'agriculture, le développement industriel, les régions et le chômage.