Il y a enfin les tentatives des Européens pour participer aux efforts de paix au Proche-Orient. À ce sujet, les résultats obtenus à l'issue du Conseil européen de Venise ne sont pas négligeables, compte tenu de la faible marge de manœuvre, dans une situation dominée par la diplomatie américaine et les accords de Camp David. Sans compromettre l'initiative du président Carter relançant les négociations de Camp David, la déclaration de Venise sur le Proche-Orient constitue une formule d'attente, laissant présager une initiative européenne au lendemain des élections américaines.

Pour la première fois, les Neuf se prononcent entre autres pour l'association de l'OLP à la négociation d'un règlement global au Proche-Orient. Après avoir dans le passé négocié d'une seule voix des accords économiques (accords commerciaux du Tokyo Round, accords de Lomé, etc.), voici que les Neuf parlent d'une seule voix sur la scène diplomatique internationale. C'est vraiment le tournant européen de l'année écoulée.

Trois épreuves

Ce faisant, à Venise à la mi-juin, le Conseil des chefs d'État et de gouvernement de la Communauté retrouve sa vocation originelle, qui est de discuter des grandes orientations et non pas de négocier des marchandages. Il était temps, car le Conseil commençait à être sérieusement compromis par les trois épreuves endurées en six mois : un premier échec à Dublin, fin novembre 1979, devant l'inflexibilité de Margaret Thatcher ; un ajournement de la rencontre prévue fin mars 1980 ; et un nouvel échec les 27 et 28 avril à Luxembourg sur les mêmes dossiers litigieux, budget, prix agricoles et mouton.

L'épreuve la plus redoutable concerne la contestation du système des ressources propres de la Communauté, et donc de la solidarité financière entre ses membres. Cette contestation prend une forme aiguë, lorsque, dans une formule choc simplificatrice mais éclairante, Margaret Thatcher s'écrie à Dublin qu'elle veut qu'on lui rende « tout son argent », « toute la miche de pain », c'est-à-dire recevoir du budget européen en retour autant qu'elle y verse. Ce qui est précisément à l'inverse de la philosophie du traité de Rome et de son règlement financier.

Ce système, accepté par les Britanniques lors de leur entrée dans la Communauté, prévoit le transfert de trois catégories de revenus des États membres de la Communauté :
– les droits de douane perçus sur les produits industriels importés des pays tiers ;
– les prélèvements, qui sont des droits de douane variables, perçus sur les importations de produits agricoles ;
– une fraction identique pour tous les États membres, du produit de la TVA. Cette fraction est calculée chaque année par les Neuf en fonction des besoins, c'est-à-dire en calculant la différence entre les dépenses inscrites au budget européen et les recettes provenant des droits perçus aux frontières.

Mais, pour l'instant, les Neuf estiment que la fraction de TVA transférée ne peut dépasser 1 % du produit de la TVA, compte tenu des charges budgétaires auxquelles les gouvernements doivent faire face dans chacun de leurs pays.

Défavorisés

Ce système de contribution incite puissamment les pays membres à s'approvisionner en priorité à l'intérieur de la Communauté ; ils peuvent acheter à l'extérieur, mais, à ce moment-là (puisque l'Europe est constituée en union douanière), les droits de douane n'appartiennent plus à chaque pays mais à la caisse commune. La part de leurs achats effectués à l'intérieur du marché commun par les nouveaux adhérents augmente d'année en année sous l'effet de ce système.

C'est le cas de l'Irlande et du Danemark, dont le commerce avec la Communauté se situe au niveau de la moyenne communautaire. C'est aussi le cas du Royaume-Uni, dont les importations en provenance de la CEE n'étaient en 1972 que 34 % du total de ses importations et atteignaient près de 43 % six ans plus tard. Cette évolution, cependant, est lente, et la part de la Grande-Bretagne dans le financement du budget européen n'a fait que croître, passant de 10 % en 1976 à 20 %.

Fardeau

La position défavorable des Britanniques vis-à-vis du système financier européen en ce qui concerne les ressources de celui-ci est aggravée, du côté des dépenses, par le fait que le Royaume-Uni, où l'agriculture occupe une place limitée, bénéficie peu des dépenses européennes consacrées, pour les deux tiers, au soutien de l'agriculture. Dès lors, en termes de contribution nette, le Royaume-Uni verse beaucoup plus d'argent qu'il n'en reçoit. Finançant 20 % du budget européen, le Royaume-Uni n'en reçoit que 10 %, malgré la faiblesse de son économie.