L'année se termine en roue libre mais dans de bonnes conditions, confirmant la santé recouvrée du marché. Le volume des transactions s'est élevé au chiffre sans précédent de 97,9 milliards et le cap des 100 milliards aurait été certainement franchi sans la longue grève du personnel de la Compagnie des agents de change au mois de mars. La hausse des cours a plus que compensé la dérive monétaire : 17 % en moyenne à Paris, plus de 22 % sur les places régionales. La capitalisation boursière globale des valeurs françaises et de la zone franc est ainsi passée à 705 milliards, dont 235 pour les actions et 470 pour les obligations. Enfin, les émissions de valeurs mobilières ont atteint le chiffre record de 82,1 milliards, dont 16,6 pour les actions.

La situation satisfaisante du marché des actions en cette fin de 1979 ne doit pas cependant masquer les pertes subies sur les obligations, victimes de la hausse des taux, ni l'inquiétude croissante devant l'évolution de la situation politique internationale. Une inquiétude dont les cours de l'or constituent le plus fidèle baromètre. Deux facteurs vont successivement en accélérer la hausse fin décembre. D'abord, la réunion de l'OPEP à Caracas, que n'ont pas attendue les pays les plus modérés pour relever leur prix de 6 dollars le baril. Ensuite, la brutale pénétration des troupes russes en Afghanistan. Conséquence immédiate, l'once d'or franchit le cap des 500 dollars et termine l'année au niveau sans précédent de 524 dollars, pour aborder 1980 avec tout autant de brio. La spéculation s'empare en effet de toutes les places mondiales, s'étend aux autres métaux précieux, argent notamment, et même à la plupart des matières premières. L'ambiance est telle que les cotations doivent être suspendues le 2 janvier à Paris sur le lingot et les pièces. Napoléon en tête. Un napoléon que la ruée de la petite épargne porte le lendemain à 1 130 F dans une atmosphère de fièvre. Le sous-sol du palais de la Bourse est envahi. C'est du délire. Par rapport aux 84 900 F cotés le même jour sur le lingot, la prime de la pièce atteint 129 %, alors qu'elle est couramment de 40 à 60 %. Les cours s'effondrent le jour suivant à 611 F. Le marché aura du mal à s'en remettre.

Sur les places internationales, en revanche, l'or continue de briller de tous ses feux. La décision du président Carter de réduire les livraisons de blé à l'URSS, puis la campagne pour le boycott des jeux Olympiques entretiennent la tension, pour ne pas parler de la maladie du maréchal Tito dont on sent la fin prochaine. Le 21 janvier, l'once inscrit un record absolu de 850 dollars, pour fléchir brutalement et remonter aussitôt dans un marché cahotique. Février débute sur un nouveau relèvement des prix du pétrole, qui accroît la tension monétaire. L'escalade des taux de l'argent se précipite. Elle verra le prime rate des banques américaines atteindre le niveau incroyable de 20 % après la présentation d'un nouveau plan Carter de lutte contre l'inflation. Cette ascension favorise la détente sur les métaux précieux. L'argent notamment s'effondre, victime de la spéculation des frères Hunt, tandis que la hausse des taux à long terme précipite la chute des obligations.

Les actions françaises en revanche font preuve de résistance. Elles progressent même jusqu'à mi-février (115,2), avant de fléchir en mars, pour se redresser progressivement les mois suivants. C'est en effet l'heure des comptes. Or ces comptes sont bons, souvent même brillants, et les dividendes fortement augmentés. C'est à une dizaine de milliards qu'est estimée la masse des coupons à payer durant le printemps et l'été. Voilà assurément de quoi conforter le marché.

Accords

Les redressements sont parfois spectaculaires. C'est le cas de la Générale de fonderie, des Galeries Lafayette, de Dollfus-Mieg ou de Nobel-Bozel, mais aussi de géants tels que Rhône-Poulenc ou Pechiney-Ugine-Kuhlmann, ainsi que des pétroliers. Il y a certes des déceptions comme Viniprix, Degrémont, Alsthom ou même Rossignol, mais elles sont peu nombreuses.