Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Un des dirigeants de FO, Alexandre Hébert, affirme même : « La cause est entendue : gouvernement, patrons, CFDT : même combat. » Malgré ses réserves à l'égard de la politique de santé du gouvernement, FO ne se rallie pas aux trois journées de protestation de la CGT, de la CFDT et de la FEN (13 et 23 mai, 5 juin 1980) et cautionne même la nouvelle convention médecins-Sécurité sociale, négociée par Maurice Derlin, président de la Caisse nationale d'assurance maladie et dirigeant de FO, et adoptée grâce aux voix du CNPF et de FO. Toutes les autres confédérations votent contre le texte.

Le déplafonnement des cotisations maladie de la Sécurité sociale, la baisse du pouvoir d'achat des cadres, incitent par ailleurs la CGC, malgré un entretien avec le président de la République en janvier, à multiplier les reproches adressés au gouvernement, et même à annoncer une candidature à l'élection présidentielle. Face aux réticences du CNPF, notamment sur la participation des cadres à la gestion, la CGC se montre également plus critique à l'égard du patronat. Pour échapper à l'isolement, elle esquisse un rapprochement avec les autres confédérations, sans aboutir cependant à une réelle unité d'action.

Dans ce contexte de dissensions syndicales, le bilan de la politique contractuelle demeure modeste. Sans doute le Premier ministre souhaite-t-il en janvier que « l'année 1980 soit celle de l'extension et de l'approfondissement du dialogue social, qui est la clé de l'unité de la France ». Mais les discussions souhaitées par le gouvernement sur la durée du travail, l'expression des travailleurs dans l'entreprise, la fixation de ressources minimales pour les travailleurs échouent ou n'aboutissent qu'à la suite d'une forte incitation des pouvoirs publics.

Temps de travail

En novembre 1979, les négociations engagées sur la réduction du temps de travail sont interrompues. Le gouvernement demande alors à Pierre Giraudet, président d'Air France, de rédiger un rapport permettant la relance des discussions, qui reprennent effectivement à la mi-mai 1980, malgré les réserves des représentants des PME. En revanche, le CNPF s'oppose fermement à toute discussion sur l'expression des salariés dans l'entreprise, encouragé, il est vrai, par les réticences de FO à cette perspective. Pour les bas salaires, aucun résultat significatif n'est obtenu. Selon Yvon Chotard, vice-président du CNPF, il s'agit là de la « quadrature du cercle », dans la mesure où il convient également de ne pas pénaliser les cadres.

La CFDT effectue une ultime relance lors de son entretien du 28 mai avec le président de la République. Mais sa démarche insistant « sur le retard social » de la France et sur les conséquences négatives, selon elle, de cette situation pour la compétitivité des entreprises n'aboutit à aucun résultat tangible. À la difficulté technique de satisfaire la demande syndicale sans accélérer l'inflation s'ajoute en effet, pour le gouvernement, une hésitation politique : celui-ci ne veut ni brusquer les partenaires sociaux, en principe libres de négocier, ni attendre indéfiniment des accords paritaires difficiles à formuler. Il doit donc jouer un rôle subtil, encourageant les négociations indirectement, soit par des lois-cadres qui laissent aux partenaires une marge d'autonomie d'application, soit par des incitations à l'expérimentation dans les entreprises. Solutions nécessairement longues et peu spectaculaires.

Clivage

La déstabilisation des alliances syndicales crée un clivage dans le patronat comme au gouvernement. Certains craignent d'indisposer FO en adoptant trop aisément les thèses chères à la CFDT, au détriment des vues plus traditionnelles des partenaires réformistes (FO, CFTC, CGC), considérés comme plus sûrs. D'autres, au contraire, croient non seulement à la sincérité et à la durabilité du « recentrage » de la CFDT, mais aussi à la justesse de ses positions, qui leur paraissent plus adaptées aux contraintes économiques actuelles.

Une action prioritaire en faveur des bas salaires équivaut, en effet, à reconnaître que la masse salariale ne peut pas progresser pour tous aussi vite que dans le passé. Discuter sur la durée du travail, c'est poser le problème de l'arbitrage entre salaires et emploi. Débats majeurs assurément, mais que personne n'ose vraiment ouvrir moins d'un an avant l'élection présidentielle.

FO : un congrès d'unanimité

Réuni tous les trois ans, le congrès de FO se tient à Bordeaux du 17 au 20 juin 1980. Quelques mois après le succès de la confédération aux élections prud'homales (17 %) et malgré les difficultés de la politique contractuelle, la ligne confédérale est approuvée massivement. Tandis que le rapport d'activité est adopté par 89 % des délégués (aux congrès précédents, les opposants regroupaient entre 15 et 25 % des voix), la motion d'orientation générale est approuvée pratiquement à l'unanimité (6 contre 26 abstentions sur plus de 2 000 votants).