Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Dossier : la prolifération des animaux de compagnie devient un problème

Véritable phénomène social, la vogue des animaux de compagnie (Journal de l'année 1971-72), si réjouissante à première vue, entraîne des problèmes de plus en plus préoccupants. La France est l'un des pays où ces animaux sont les plus abondants : environ huit millions de chiens et six millions de chats.

Les motivations qui poussent quelqu'un à acquérir un animal familier sont diverses. Ce peut être le besoin d'avoir près de soi un compagnon apportant une note de vie dans l'univers inhumain des grandes villes. Pour le vieillard demeuré seul, c'est souvent le dernier ami. Ce peut être aussi un jouet vivant pour les enfants. La psychose d'insécurité a récemment provoqué une vogue des chiens de défense : le berger allemand (700 000) est la race canine la plus abondante en France. Le film d'Alain Jessua Les chiens pose, avec quelque outrance, le problème du succès des chiens de grande taille.

Commerce

La vogue des chiens et des chats est entretenue par une forte publicité. Le commerce des animaux familiers a pris énormément d'ampleur. Chaque année, plus de 500 000 chiots nés en Belgique ou aux Pays-Bas sont importés en France dans des conditions lamentables ; ils sont souvent trop jeunes, et la mortalité est considérable. De multiples industries se sont créées autour de cet engouement ; ainsi, l'industrie des aliments pour animaux, par exemple, annonce un chiffre d'affaires annuel de 1 430 millions de F. Toutes sortes d'accessoires sont également vendus dans le commerce.

Les Français, au total, dépensent, chaque année et uniquement pour leurs chiens, la somme impressionnante de plus de 3 milliards de F (750 millions de F pour l'achat des chiens, 2 milliards pour leur alimentation et 300 millions pour les soins et les produits vétérinaires). Cette vogue a entraîné parallèlement la publication d'une grande variété d'ouvrages spécialisés sur les types d'animaux familiers. Les conséquences néfastes de la prolifération des animaux familiers sont multiples. Les chiens et les chats mis sur le marché constituent le début d'un cycle infernal. Nombreux sont ceux qui achètent un animal comme un jouet ou un simple gadget et s'en lassent quand il a cessé d'amuser. Et ce sont, à l'époque des départs en vacances, les révoltants abandons d'animaux. Chats et chiens sont jetés des voitures, attachés à des arbres, noyés ou abandonnés n'importe où. Dans la région parisienne, par exemple, des chiens sont jetés dans les fossés du château de Vincennes : blessés, ils sont dévorés vivants par les rats...

Pollution

Les chats abandonnés survivent plus facilement Ils pullulent dans tous les terrains vagues et les jardins publics des agglomérations urbaines. Ils y reprennent; un mode de vie quasi sauvage et forment des sociétés hiérarchisées. L'existence de ces chats est à bien des égards lamentable : ils sont soumis aux intempéries et victimes d'épidémies ; des sadiques leur font subir les pires tortures. Ils sont piégés, tirés pour leur fourrure ou capturés par les rabatteurs des laboratoires : un trafic de chats et chiens capturés, ou volés à leurs maîtres, pour les laboratoires d'expérimentation existe dans tout le pays. La pollution grandissante des rues par les déjections des chiens est également un sujet d'inquiétude pour les pouvoirs publics. Le professeur Pierre Lépine présente, le 25 février 1980, à l'Académie des sciences des travaux scientifiques selon lesquels des particules virales ont été découvertes dans les excréments des chiens parisiens. Ces particules seraient semblables à des virus responsables de troubles digestifs chez l'homme. Les réactions sont vives. Rien ne permet pourtant d'accuser les chiens d'être responsables de tels troubles ; rien n'autorise à mettre en cause ces animaux à propos de l'entérocolite ulcéro-nécrosante qui a fait mourir plusieurs nouveau-nés dans différentes maternités parisiennes.

Une épidémie de gastro-entérite à virus, caractérisée par une perte d'appétit et des diarrhées, se propage en janvier-février 1980 parmi les chiens, créant ainsi un vent de panique très exagéré.

Euthanasiés

Les associations de protection, face à la prolifération des animaux de compagnie, sont débordées. Refuges et fourrières, où aboutissent chiens et chats abandonnés ou perdus, sont bien souvent les antichambres de la mort.