L'affaire, essentiellement politique, connaît d'importants retentissements d'ordre religieux. Les 30 ulémas d'Arabie Saoudite ont dû autoriser les forces de l'ordre à faire usage de leurs armes dans un édifice religieux et sacré. Les insurgés ont, dans un premier temps, lancé un appel à la guerre sainte à tous les musulmans, afin « que la religion de l'islām et la justice règnent dans le berceau de l'islām ». Surtout, leur chef a tenté de s'identifier au mahdi, qui, selon la croyance chiite, doit rassembler un jour tous les croyants pour un univers de justice et un âge d'or. Pétrie de foi et de respect pour Dieu, la conscience musulmane a été blessée par ces incidents sacrilèges.

Égypte

La normalisation des relations entre Israël et l'Égypte suscite le courroux de nombreuses organisations, dont les Confréries islamiques et les Frères musulmans. À plusieurs reprises, le président Sadate déclare que la politique et la religion ne doivent pas être confondues. Il ne peut empêcher que la tension permanente, attisée par les intégristes musulmans, ne dégénère en incidents parfois violents, surtout à Alexandrie, où deux églises coptes orthodoxes sont brûlées le 6 janvier 1980, et en Haute-Égypte, particulièrement à l'université d'Assiout. Là, près de 4 000 étudiants, fanatisés par des membres des Confréries islamiques, demandent, le 4 avril, l'application intégrale en Égypte de la loi coranique.

La hiérarchie copte-orthodoxe, le patriarche Chenouda en tête, profite des fêtes pascales (toutes les solennités seront annulées) pour dire l'inquiétude des chrétiens (de 6 à 8 millions selon les estimations) devant ce qu'elle nomme un renouveau du fanatisme musulman. Tout en mettant en garde, dans un important discours prononcé le 14 mai au Parlement, « les fondamentalistes qui voudraient exploiter la religion à des fins politiques », le président Sadate a cependant des paroles très dures à l'égard des coptes qu'il accuse de diffamer l'islām à l'étranger. Et, pour rassurer son opinion publique, il précise qu'il gouverne « en musulman un pays islamique où chrétiens et musulmans vivent côte à côte ».

Malgré toutes les assurances officielles, l'avenir des diverses communautés semble bien incertain en Égypte.

On peut noter d'autres foyers d'agitation : en Tunisie, à Gafsa par exemple où des intégristes musulmans se réclamant de l'ayatollah Khomeiny s'opposent aux musulmans laïcs ; en Tunisie encore où le gouvernement intervient en janvier contre ceux qui transforment les mosquées en tribunes politiques et « sèment le fanatisme » ; en Iraq, où pèse le problème kurde ; en Syrie enfin, dont le régime est violemment attaqué au cours de la conférence qui se tient à Londres en avril sur Le prophète Mahomet et son message. Dans ce dernier pays, les rivalités entre alaouites et sunnites (la grande majorité) se font jour ouvertement

Modernité

Alors que le Sénégal va se doter, à Louga, d'un Institut islamique qui permettra de former sur place les étudiants musulmans, jusqu'ici obligés de s'expatrier vers les pays arabes, la Mauritanie adopte à son tour la charia (jurisprudence islamique) en créant une cour spéciale de droit musulman. C'est aussi sur le Coran que l'Algérie se fonde pour son nouveau Code de la famille, respectant également les traditions islamiques et arabes.

Dialogue

L'effervescence en pays d'islām inquiète le christianisme. D'où l'appel au dialogue lancé par les évêques de six pays d'Asie — dont les Philippines et la Malaysia, deux pays où chrétiens et musulmans s'affrontent souvent — lors d'une réunion à Kuala Lumpur en novembre 1979.

Mais l'appel incontestablement le plus vigoureux en faveur de la compréhension entre les deux religions est celui lancé par Jean-Paul II lors de sa visite en Turquie le 29 novembre.

C'est à Ankara, où le nombre des chrétiens est infime, que le pape rappelle avec fermeté les paroles du concile Vatican II concernant l'estime que l'Église catholique porte aux musulmans, « obéissant à Dieu, soumis à Dieu et serviteurs de Dieu ». Face au matérialisme, dit Jean-Paul II, « je me demande s'il n'est pas urgent de reconnaître et de développer les liens spirituels qui nous unissent ».