Les tensions actives sont, tout d'abord, de nature financière. Privée de la TVA, que le peuple et les cantons avaient refusée pour la deuxième fois le 20 mai 1980, la Confédération cherche à sauver son équilibre financier. En vain. Tandis que les hommes politiques étudient la clef d'une « nouvelle répartition des tâches entre l'État central et les cantons », Berne publie, le 24 octobre 1979, son budget pour 1980. Il comporte un déficit de 1,297 milliard.

La surprise sera plus mauvaise encore quand on connaîtra les comptes de 1979 : 1,7 milliard s'inscrit d'ores et déjà dans la colonne du passif. Record historique absolu. Il eût été plus... saignant si les PTT (pourvus, soit dit en passant, d'un nouveau directeur général, Hans Werner Binz) n'avaient accompli le tour de force d'un bénéfice de 237 millions.

Subventions

Les chemins de fer, eux, font trois fois cette somme, mais en chiffres rouges. Le Conseil fédéral leur ordonne d'assainir leur situation, autrement dit — mesure impopulaire entre toutes — de vendre leurs billets plus cher : la hausse sera, en moyenne, de 6 %. Et, surtout, le gouvernement annonce une réduction de 10 % des subventions, autrement dit un alourdissement de la charge des cantons, qui poussent des cris de putois. Les fédéralistes y voient d'ailleurs une preuve supplémentaire que l'organisme helvétique doit être enfin décongestionné.

Le canton de Vaud, souvent meneur en la matière, se distingue par deux fois. Le 11 juillet, son Conseil d'État, ayant examiné le projet de la nouvelle Constitution fédérale, y dénonce des atteintes inadmissibles à la souveraineté des États, et — fait sans précédent — écrit à Kurt Furgler, parrain du projet, qu'il « refuse d'entrer en matière ». Quelques mois plus tard, le 15 avril 1980, le Centre patronal vaudois diffuse un épais cahier bourré de chiffres. On y découvre que, mathématiquement tout au moins, il serait possible de supprimer les subventions fédérales d'une part, l'impôt fédéral direct d'autre part : les premières équivalent au produit du second, de sorte qu'il ne se fait là qu'un aller et retour. À travers la démonstration comptable, c'est, bien entendu, un élargissement considérable de l'autonomie des cantons que visent les auteurs du projet.

Pendant ce temps, la vie suit tout de même son cours. Le 26 septembre 1979, le Conseil national enterre définitivement le projet d'un dimanche sans voitures (il a fallu la voix présidentielle pour trancher). Le 30 octobre, Kurt Furgler, continuant sa grande réforme du droit de la famille, présente les futurs articles du code civil sur le mariage : l'autorité maritale y disparaît au profit de la concertation, et le régime matrimonial ordinaire sera la participation aux acquêts, à savoir le partage équitable entre les époux du bénéfice de l'union conjugale.

Le 27 novembre éclate un scandale d'opérette. L'armée autrichienne en grandes manœuvres découvre et arrête un espion suisse. À Vienne, on hésite entre un étonnement poli et le fou-rire. À Berne, très ennuyé, le Département militaire suspend le responsable de cette grandissime opération, le colonel d'état-major Albert Bachmann. Quant à l'espion, les juges autrichiens ne le sabreront pas : il s'en tirera, un peu plus tard, avec cinq mois d'emprisonnement et le sursis.

Monopole

Au cours du même automne, c'est la SSR, la Société suisse de radiodiffusion, qui devient champ de tensions accrues. Le 18 septembre, le Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie prononce que la télévision romande, en diffusant une enquête sur la prison préventive, a oublié son devoir d'objectivité. Le 15 octobre, la commission de gestion du Conseil national déclare que la SSR n'exerce pas un contrôle assez strict sur ses propres organes. Double réponse du directeur général Stelio Molo : une lettre, extrêmement ferme, aux hommes politiques tentés par une mission de tutelle, et un recours au Tribunal fédéral contre le blâme du Département.

Trois grandes réformes s'esquissent. Les experts fédéraux préparent un projet d'article constitutionnel sur lequel asseoir une SSR juridiquement mieux définie. Le Parlement veut établir une commission de recours autonome qui traitera les plaintes des auditeurs et téléspectateurs. Enfin, la SSR elle-même essaie de se démocratiser en créant des sociétés cantonales qui, chargées de donner leur avis sur les programmes, seront dirigées à la fois par des représentants des autorités, par des délégués du personnel et par des élus du public.