La raison : essentiellement la structure du commerce britannique qui, malgré une évolution très européenne, reste largement orienté vers les marchés extérieurs — 60 % de la contribution britannique proviendra des droits de douane prélevés au titre de tarif extérieur commun sur ses importations. Autre facteur : le pétrole qui, en laissant une balance des paiements courants positive, prive Londres du bénéfice des exemptions dont profitent d'autres pays comme l'Italie.

Ultimatum

Margaret Thatcher réagit avec vigueur et dénonce une « insupportable injustice ». Injustice, parce que la Grande-Bretagne devrait assurer plus de 20 % du budget communautaire à elle seule, alors que son PNB ne représente que 16,5 % du total communautaire. Injustice, parce qu'en versant ces 20 % elle ne recevra en retour que 10,5 % des ressources communautaires. Injustice « insupportable », car la Grande-Bretagne traverse une crise qui ne lui permet pas de supporter cette charge.

Dès la réunion du Conseil des Neuf à Luxembourg le 18 octobre 1979, la délégation britannique prend l'offensive. Margaret Thatcher pose un véritable ultimatum à ses partenaires, exigeant que le chiffre de la contribution britannique soit révisé radicalement. Pendant tout l'automne, elle plaide avec obstination son dossier : devant le chancelier Schmidt lors de sa visite à Bonn, puis devant Valéry Giscard d'Estaing lors du sommet franco-britannique (19-20 novembre). Le premier se montre sensible à ses arguments, mais le second y reste froidement inaccessible. D'autant que ce différend franco-anglais se double d'une querelle que Londres a tout lieu d'exploiter : la guerre du mouton.

La Communauté, par un trou fortuit dans sa réglementation, n'a pas organisé le marché du mouton. La Grande-Bretagne peut donc librement, en principe, exporter vers la France, où les prix sont avantageux, sa production ovine (alors qu'elle importe du mouton de Nouvelle-Zélande). Pour protéger un élevage fragile, la France suspend les importations britanniques malgré les injonctions de la Cour européenne de justice et exige l'adoption d'un règlement communautaire protecteur, sans convaincre ses partenaires.

Estimant la France isolée, Margaret Thatcher monte les enchères au Conseil européen de Dublin (29-30 novembre). Elle refuse comme totalement « inacceptables » les concessions que ses partenaires acceptent de faire. « Nous ne nous satisferons pas d'une demi-miche de pain », avait-elle prévenu. À la grande satisfaction de l'opinion britannique.

Sa tactique a du bon. Quatre mois plus tard, les offres de Helmut Schmidt et de Valéry Giscard d'Estaing au Conseil européen de Luxembourg (27-28 avril 1980) sont bien supérieures. Margaret Thatcher dit encore « non ».

Le coup de poker est cette fois périlleux. Même si la situation internationale incite l'Europe à trouver un compromis pour préserver sa cohésion. À Bruxelles, le 30 mai, un compromis intervient après 16 heures de débats ; Londres obtient largement satisfaction et un accord met également fin à la guerre du mouton.

L'espion du Palais

Rebondissement surprenant de l'affaire Burgess-Philby-Mac Lean, les diplomates-espions des années 50 : dans un ouvrage publié au mois de novembre 1979 sous le titre Un climat de trahison, un ancien journaliste de la BBC, Andrew Boyle, met en cause un quatrième homme, espion lui aussi, dont le nom est resté secret. Interrogée aux Communes, Margaret Thatcher confirme ce que tout Londres murmure déjà : ce gentleman-espion, c'est sir Anthony Blunt, éminent historien d'art, annobli en 1956, conservateur des collections de la reine. Membre des services de renseignements britanniques pendant la guerre, il a, en réalité, travaillé pour les Soviétiques de 1940 à 1954, et a facilité la fuite de Burgess et Mac Lean en Union soviétique en 1951. Suspecté par la suite, il a, en 1965, fait des aveux aux autorités du contre-espionnage qui lui ont accordé l'immunité pour mieux l'utiliser. Ces révélations confondent de stupeur l'establishment britannique et scandalisent l'opinion. « Il y a, dit un député — le seul, il est vrai, antimonarchiste des Communes —, les traîtres ordinaires qui vont en prison et les traîtres gentlemen qui vont au Palais. » Mais l'affaire n'a pas de suite. Si ce n'est celle de priver Anthony Blunt de son titre de chevalier.

Ulster

Un conflit de dix années. Lundi 28 août 1979 à midi. Le Shadow V, yacht de 28 pieds, sort du petit port de Mullaghmore sur la côte ouest de l'Irlande du Sud, pour une partie de pêche. Quelques minutes plus tard, c'est l'explosion. Le bateau est pulvérisé. À la surface de la mer, des débris de bois et de fer. Un corps sanglant : celui du comte Louis Francis, Albert, Victor, Nicholas Mountbatten, comte de Birmanie, ancien vice-roi des Indes et amiral de la Flotte, oncle de la reine et du duc d'Édimbourg. Son petit-fils et un de ses amis sont morts eux aussi. Ses enfants, lord et lady Bradbourne, sont blessés ainsi que leur fils Timothy.