Néanmoins, la situation économique et financière force le gouvernement à une certaine prudence dans d'autres domaines. Celui de la fiscalité par exemple, où sa promesse de rendre son dynamisme aux entreprises et aux individus en diminuant la charge des impôts directs ne peut être tenue en 1980. Le budget ne comporte plus aucun allégement fiscal, ni pour les sociétés ni pour les personnes. Ce qui est d'autant plus durement ressenti que les impôts indirects, déjà augmentés en 1979, s'alourdissent. Le gouvernement ne craint pas la brutalité des méthodes : la TVA passe ainsi, sans palier, de 8 % à 15 %. Et le taux d'escompte de la Banque d'Angleterre est fixé à 17 %, puis à 20 %.

Pouvoir syndical

C'est le volet le plus important de la politique gouvernementale, le plus délicat aussi. Le gouvernement ne peut procéder que par étapes. Le projet de loi élaboré par le ministre du Travail, James Prior, évite les mesures trop radicales. Il propose de limiter le pouvoir syndical dans trois domaines où son action est le plus contestée :
– la liberté du travail, en prévoyant l'interdiction des piquets de grève dits « secondaires », c'est-à-dire ceux des syndicats qui ne sont pas directement partie dans le conflit, mais qui entendent agir par solidarité ;
– la liberté du vote, en instituant un vote à bulletin secret pour décider d'une grève ;
– la liberté individuelle, en protégeant mieux les travailleurs non syndiqués (la législation travailliste ayant, dans bien des cas, abouti à l'obligation de la carte syndicale).

Les projets du gouvernement comme la dégradation des conditions de vie provoquent une profonde inquiétude dans les milieux ouvriers. Néanmoins, les conflits sociaux sont relativement rares pendant l'été et l'automne. Les modérés l'emportent encore au congrès des syndicats à l'automne. Peu après, les 164 000 salariés de British Leyland (qui a perdu 1 milliard de F en 1979) refusent de suivre ceux d'entre eux qui ont déclenché une grève sauvage, lorsque, sous la pression du gouvernement, un plan de restructuration, impliquant la suppression de 25 000 emplois en deux ans, est annoncé en novembre. Les mineurs, qui avaient fait tomber Edward Heath en 1975, se contentent de l'augmentation proposée par leur direction. Il est vrai qu'elle est substantielle (20 %).

C'est cependant dans le secteur nationalisé, dans la sidérurgie, que l'épreuve de force se déclanche au début de l'année. Deux raisons au conflit qui va durer 12 semaines : les salaires et l'emploi. Sur le premier point, les propositions de la direction sont considérées comme humiliantes par les syndicats : elles se limitent à 2 %, toute augmentation complémentaire devant être gagée par un accroissement de la productivité. Cet affront survient au moment même où sont connues les décisions de la direction pour pallier le déficit considérable de la British Steel Corporation, société nationale qui produit 80 % de l'acier anglais.

La BSC a perdu plus de 4 milliards de livres en 6 ans — « 20 livres par contribuable », dira le chancelier de l'Échiquier. Le gouvernement, mû par sa volonté de ne plus soutenir les « canards boiteux », fussent-ils les siens, se refuse à poursuivre son effort. BSC se résigne donc à limiter la production, qui sera ramenée de 21,5 millions de t à 15, et à procéder à des coupes sombres dans le personnel : 52 000 emplois supprimés en 8 mois.

Le Times reparaît

Privé depuis onze mois d'une institution « aussi nécessaire qu'Eton ou Buckingham », selon Anthony Sampson, Londres retrouve le Times le 12 novembre 1979. Le quotidien ainsi que son frère du dimanche, le Sunday Times, avaient interrompu leur parution en raison d'un conflit entre la direction du groupe de lord Thomson et ses 4 260 salariés. Non sans difficulté, un accord est finalement intervenu, le 20 octobre, portant à la fois sur les salaires, le temps de travail et — point clef pour la direction — la modernisation de l'entreprise. Le prix du conflit est estimé à 30 millions de livres.

Faux calcul

Les 130 000 ouvriers de BSC se mettent en grève, le 2 janvier 1980, espérant entraîner avec eux ceux du secteur privé et provoquer rapidement, grâce à l'appui des dockers et des cheminots qui doivent bloquer les importations, la paralysie de toute l'industrie britannique. Faux calcul : les solidarités sont moins efficaces que prévu, les industries disposent de stocks importants. Cependant, cette grève est longue et dure, et en particulier dans le pays de Galles très touché par les projets de la direction.