Le président du Conseil a vu sa popularité s'effondrer de 71,2 (septembre 76) à 18,2 % (mars 80), après s'être appliqué brillamment durant quatre années à démocratiser les institutions espagnoles.

Autonomie

Cette désaffection intervient alors qu'est largement engagée la dernière étape de la période de transition : la construction de la nation des nations imaginée par Madrid. Engagées dès la fin du mois de juin, les négociations pour le statut d'autonomie basque ont réuni le chef du gouvernement espagnol et le président du Parti nationaliste basque, Carlos Garaicoechea.

Le texte du statut de Guernica, qui octroie à la région de vastes privilèges (autonomie fiscale, compétences en matière d'éducation, d'information, de sécurité sociale, d'ordre public, etc.), est approuvé le 17 juillet 1979 par la commission constitutionnelle des Cortès. Tout le monde se réjouit de cette conclusion qui doit rendre possible, espère-t-on, la pacification des provinces du Nord. Une première réaction favorable de la branche politico-militaire de l'ETA renforce cet optimisme.

Dans la foulée, le gouvernement espagnol et les représentants des différents mouvements catalans préparent le statut d'autonomie de la Catalogne. Un « accord total » est acquis le 9 août. Le texte prévoit les mêmes privilèges que ceux accordés au Pays basque.

Le 25 octobre, les électeurs des deux régions sont appelés à se prononcer par référendum sur les projets proposés. Première déception : si les statuts sont approuvés à une large majorité, le taux d'abstention (40 %) souligne la méfiance, du moins l'indifférence des citoyens. L'ETA avait certes donné des consignes d'abstention, les Catalans ne peuvent se prévaloir de cette excuse.

En avril, Carlos Garaicoechea est désigné président du gouvernement autonome basque, tandis que Jordi Pujol succède à la tête de la Généralitat catalane à Josep Tarradellas, qui ne se représentait pas.

La déception se transforme en amertume pour le président du Conseil lorsque sa formation, l'Union du centre démocratique, est balayée lors de l'élection du parlement basque, le 9 mars, tandis que triomphent les partis nationalistes. Même défaite, le 22 mars, à l'élection du parlement catalan, que vont dominer les nationalistes modérés.

Attentats

L'ambiguïté du référendum sur l'autonomie de l'Andalousie, au cours duquel la défection de deux provinces parvient à bloquer l'ensemble de projet pour cinq ans, ne peut cacher le désintérêt croissant de la population pour le parti gouvernemental.

Cette série de revers est d'autant plus ressentie que les concessions accordées n'ont en aucune façon ralenti le rythme de la violence, et notamment celle de l'ETA, suscitant le contre-terrorisme des groupes armés espagnols, du bataillon basque-espagnol et autres commandos d'extrême droite. Des dissensions se manifestent cependant dans l'organisation séparatiste, entre la branche militaire (mili) et la branche politico-militaire (poli-mili). Bien que les poli-milis aient annoncé, le 13 juillet 1979, qu'ils suspendaient leur guerre des vacances contre les stations de tourisme, deux attentats font trois morts le lendemain à Madrid. Et puis, le dimanche 29 juillet, après la signature du statut d'autonomie du Pays basque, trois bombes explosent simultanément à l'aéroport de Bajaros et dans deux gares de Madrid. Lourd bilan : cinq tués et plus de cent personnes blessées.

La guerre des vacances reprend

L'ETA déclare le 21 juin une nouvelle guerre des vacances, exigeant la libération de 19 prisonniers. Dans les jours qui suivent, une série de bombes explosent dans les principaux centres touristiques : Fuengirola (Costa del Sol), le 22 juin ; Alicante et Javea (province d'Alicante), le 25 juin ; et au bureau du tourisme de Biarritz, le 26. Le tourisme, talon d'Achille de l'économie espagnole, est gravement menacé.

« Couardise »

Devant l'indignation provoquée par cette tuerie, les poli-milis mettent en cause le gouvernement et proclament une nouvelle fois qu'ils abandonnent la campagne de terrorisme. Néanmoins, trois jours plus tard, un garde civil est abattu au Pays basque, puis, le 19 septembre, c'est au tour d'un colonel et d'un commandant à Bilbao. Quatre jours plus tard, le général Gonzales-Valles, gouverneur militaire du Guipuzcoa, tombe sous les balles des assassins. Les terroristes s'en prennent aussi aux cafetiers soupçonnés d'être des indicateurs, à des personnes qui refusent de payer l'« impôt révolutionnaire ». Ils assassinent un fossoyeur, jugé trop à droite, et même un militant socialiste. Mais l'attentat qui a le plus grand retentissement se déroule le 1er février 1980 près de Bilbao, où six gardes civils sont tués dans une embuscade dressée par l'ETA. Cent dix personnes ont été assassinées en 1979 et près de 60 autres entre le 1er janvier et le début du mois de juin 1980.