Un facteur essentiel du succès sera le changement d'attitude observé aux États-Unis — premier consommateur et premier importateur du monde. Après une bataille de plusieurs années, le président Carter a enfin réussi à faire voter par le Congrès, en mars 1980, la loi « décontrôlant » les prix du pétrole produit aux États-Unis, c'est-à-dire permettant à ceux-ci de rejoindre progressivement, d'ici à 1982, les prix mondiaux. À terme, les conséquences peuvent être considérables : l'augmentation des prix des produits pétroliers, traditionnellement très bon marché dans ce pays, sera lourde peur le consommateur (1 000 milliards de dollars au total !), mais elle poussera à réduire les gaspillages (on constate déjà le tournant pris par les constructeurs de Détroit en faveur des petites voilures) ; et les perspectives de gain accru vont relancer la recherche de pétrole aux États-Unis mêmes, dont les gisements n'ont certainement pas dit leur dernier mot.

Retour du charbon

En outre, Jimmy Carter a l'intention de relancer la construction de centrales nucléaires, qui était bloquée aux États-Unis depuis plusieurs années. L'accident de la centrale de Three Mile Island (28 mars 1979) a bien provoqué l'arrêt provisoire de la mise en route de nouvelles centrales, mais il a aussi permis de remettre de l'ordre dans l'appareil gouvernemental de contrôle, et, du même coup, va favoriser l'aboutissement de nombreux projets en panne. Autre signe de revirement dans ce domaine : les Suédois, qui avaient voté trois ans plus tôt pour un arrêt du développement de l'énergie nucléaire chez eux, se sont ravisés à l'occasion d'un référendum.

Toujours dans l'intention de desserrer l'étau pétrolier, on recommence à parler sérieusement du charbon. Il est vrai qu'il existe d'immenses réserves de houille dans le monde, et que, au prix atteint maintenant par le pétrole, leur exploitation est redevenue très compétitive (d'après un calcul d'EDF, par exemple, le kWh produit à partir du pétrole coûte maintenant 33 centimes, à partir du charbon 23 centimes et à partir de l'atome 13 centimes).

Mais d'immenses efforts restent à accomplir pour que le charbon réponde aux espoirs placés en lui : équiper de nouveaux gisements chez les anciens producteurs (États-Unis, Pologne) et dans les autres pays susceptibles d'exporter (Afrique du Sud, Australie, voire Chine), mettre en place un réseau de transport à l'échelle du monde (à la différence du pétrole, l'énergie-charbon voyageait peu), mettre au point des techniques d'utilisation modernes (gazéification, liquéfaction).

La politique du gouvernement français sur ce point n'est pas de relancer la production de nos mines, qui ne sont pas compétitives — à l'exception de quelques gisements comme ceux de Lorraine et de Provence —, mais de s'assurer de ressources sûres en prenant des participations financières dans des mines étrangères, tout en favorisant la reconversion des industries consommatrices de fuel vers le charbon.

Plus généralement, le gouvernement français, dans le plan de dix ans qu'il a arrêté le 27 mars 1980, accélère le redéploiement énergétique. En 1990, selon ce plan, le pétrole ne devrait plus représenter que le tiers de l'énergie consommée en France, au lieu des deux tiers en 1973.

Nucléaire

Le charbon sera davantage utilisé, ainsi que le gaz naturel et les énergies nouvelles, mais l'essentiel de cette profonde mutation sera assuré par le développement de l'énergie nucléaire, qui se poursuivra à une cadence constante, comparable à celle des dernières années (4 tranches de 1 300 MW par an). La filière du réacteur surrégénérateur sera poursuivie, après la mise en service de Super-Phénix (1983), par deux autres tranches du même type. En dépit des oppositions, comme celle qui s'est manifestée sur le site de la future centrale de Plogoff, l'EDF poursuit donc sans désemparer dans le domaine nucléaire un effort d'équipement unique au monde (son budget d'investissement 1980 atteint 28 milliards de F !).

Les premières moissons de cet effort commencent tout juste à apparaître, avec les premières mises en service du programme adopté en 1974, au début de la crise pétrolière. Pour se former un jugement, on peut observer par exemple l'apport de la centrale de Bugey, désormais achevée. Avec ses cinq tranches nucléaires, une pareille usine, occupant une superficie d'une centaine d'hectares, assure à elle seule 10 % de la production française d'électricité, équivalent énergétique de toute la production des Houillères de Lorraine. On peut dire aussi que Bugey équivaut à un gisement de pétrole capable de produire 6 millions de tonnes de pétrole par an, soit ce que nous avons importé d'Iran en 1979. Ou encore que Bugey économise par an à notre pays 3 milliards de F en devises.