« Il y a aujourd'hui 5 Libans : Liban chrétien, Liban syrien, Liban palestinien, Liban israélien et Liban légal. » Même si cette boutade d'un journaliste doit être nuancée, elle correspond en grande partie à la réalité.

– Le Bastion conservateur chrétien, petit rectangle de plus de 1 500 km2 situé au centre du pays, dont les deux villes principales sont Beyrouth-Est et Jounieh, est soumis à l'autorité des partis phalangiste et national libéral (PNL). Ils sont respectivement dirigés par Béchir Gemayel et Camille Chamoun. En septembre 1979, les milices de ces deux partis tentent de réduire à merci l'enclave arménienne, qui échappe à leur contrôle. Les combats qui les opposent au parti arménien Tachnag dans les quartiers de Bourj Hammoud-Nabaa font 31 morts et plus d'une cinquantaine de blessés.

– Dans le territoire qu'elle contrôle (pratiquement tout le Liban, à l'exception du Bastion chrétien, des positions qu'elle évacue en mars 1980 à Beyrouth-Est, et des régions situées au sud du fleuve Litani), l'armée syrienne tient le haut du pavé. Mais elle doit composer avec une multitude d'organisations palestiniennes affiliées à l'OLP (et implantées notamment dans les camps de réfugiés) ou de groupes libanais islamo-progressistes : Mourabitoun, Armée du Liban arabe (ALA), qui sont favorables au Fath de Yasser Arafat ; milice chiite al Amal, pro-iranienne ; parti Baas, pro-iraqien, etc.

Cette cohabitation n'est pas toujours heureuse, et il ne se passe pratiquement pas de mois sans querelles fratricides. Mourabitoun et pro-syriens engagent le duel le 13 septembre : 7 tués. Enlèvement et assassinat, le 24 février 1980, du célèbre journaliste Sélim al Laouzi, réputé anti-syrien. Enfin et surtout, batailles rangées, de mars à mai, entre al Amal d'une part, proiraqiens et fedayin de diverses obédiences de l'autre, qui font une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. Les miliciens chiites libanais s'en prennent en effet à la fois aux partisans du régime de Bagdad, accusé d'opprimer ses chiites, et à l'OLP, soupçonnée de vouloir s'installer définitivement au Liban, dans les zones de peuplement chiites.

– Au-delà du Litani, véritable « ligne rouge », dans une zone de plus d'un millier de kilomètres carrés parfois surnommée Fathland, les militaires syriens, soucieux d'éviter tout conflit généralisé avec Israël, ne s'aventurent pas. Plus de 10 000 fedayin palestiniens et leurs partisans libanais, règnent en maîtres absolus sur ce territoire, qui comprend notamment la ville de Tyr, devenue port palestinien. C'est de là que partent, parfois par voie maritime, la plupart des commandos fedayin chargés de perpétrer des attentats an Israël.

– Accolée à la frontière nord de l'État hébreu, une mince bande territoriale de 800 km2 lui sert de zone tampon. Elle est soumise à l'autorité du major chrétien Saad Haddad, qui y a proclamé en 1977 l'État du Liban libre. Syriens et Israéliens s'affrontent par fedayin du Fathland et miliciens du major Haddad interposés. Les pilonnages dans ce Sud-Liban ravagé, quasi quotidiens, et les interventions directes, par intermittence, de l'armée israélienne contre les Palestiniens, provoquent la mort de plusieurs centaines de civils par an et l'exode vers le Nord de la majeure partie de la population. Les offensives israéliennes les plus meurtrières se déroulent dans ce secteur en juillet-août 1979 et en avril-mai 1980.

– Le pouvoir légal libanais, incarné par le président de la République Elias Sarkis, le gouvernement présidé depuis trois ans et demi par Selim Hoss (démissionnaire le 7 juin 1980) et le Parlement, n'exerce pas son autorité sur un territoire déterminé. L'armée libanaise, reconstituée en 1977, tient quelques postes militaires et quelques casernes éparpillés sur l'ensemble du territoire national. Les 6 000 Casques bleus de l'ONU au Sud-Liban ont pour mission de maintenir, et si possible de renforcer, l'autorité du pouvoir légal.

Mais Casques bleus et soldats de l'armée régulière sont pris en sandwich entre les groupes armés antagonistes. Les fedayin, jaloux de leurs prérogatives, assiègent dans leurs casernes les militaires libanais au sud, en mars et en juin 1980 notamment. Ces derniers sont aussi souvent pris à partie par les milices du Bastion chrétien. Quant aux Casques bleus, qui déplorent 43 morts depuis leur arrivée au Liban en mars 1978 jusqu'à avril 1980, ils ne sont plus ménagés par les belligérants.