Parmi les suppliciés figurent Adnan Hussein, économiste réputé, ancien ministre du Plan et ami personnel du nouveau président, qui l'avait nommé trois semaines auparavant aux postes clés de vice-Premier ministre et de chef de son cabinet, ainsi que Abdel Khaleq Samarrai, l'un des dirigeants historiques du Baas. Ce dernier, qui vivait depuis juin 1973 sous un régime sévère de résidence surveillée, à la suite de l'échec de la tentative de coup d'État de Nazem el-Kazzar dans laquelle il avait été impliqué sans preuve, n'avait manifestement pu prendre part au complot, dont l'existence réelle n'a jamais été prouvée.

L'exécution de Khaleq Samarrai et de ses amis est significative dans la mesure où elle constitue un sévère avertissement adressé à l'aile libérale et progressiste du Baas opposée au pouvoir personnel de Saddam Hussein et favorable à un retour au pluripartisme. La découverte et la répression de ce complot seraient d'ailleurs, selon certains, liées au départ du président Hassan el-Bakr, qui aurait abandonné ses fonctions parce qu'il n'était pas d'accord sur la façon dont Saddam Hussein, alors numéro deux du régime, avait l'intention de traiter cette affaire.

Des « fuites calculées » organisées par Bagdad au sujet de l'implication de Damas dans le complot portent un coup mortel au processus d'unification progressive des deux États et des deux partis Baas rivaux, mis au point en janvier 1979 (Journal de l'année 1978-79) lors de la visite de Saddam Hussein en Syrie. De même, le fossé s'élargit entre l'Iraq et les pays arabes du Front de la fermeté qui regroupe la Syrie, l'Algérie, la Libye, le Yémen du Sud, et l'OLP.

De plus en plus préoccupé par l'évolution de la situation à Téhéran et redoutant les éventuelles retombées de la révolution permanente iranienne dans les pays du Golfe et en Iraq même, où les chiites, qui constituent plus de la moitié de la population, commencent à s'agiter, Bagdad accentue son rapprochement avec Riyad. L'Iraq a conclu en février 1979 un important accord avec l'Arabie Saoudite concernant la lutte contre la subversion dans la région et se pose, depuis la disparition du régime du chah, en gendarme du Golfe.

Interarabe

Le président Saddam Hussein rend public, le 8 février, un projet de charte interarabe que Bagdad voudrait voir adopter par l'ensemble des pays arabes. Ce texte condamne toute présence militaire étrangère dans le monde arabe et préconise la formation d'une force interarabe susceptible de secourir tout État de la Ligue arabe dont la sécurité serait menacée.

Apparemment, cette charte est dirigée contre la présence militaire des deux superpuissances au Proche-Orient, mais, dans le contexte de la lutte menée par l'Iraq contre la subversion communiste et soviétique dans la région, en particulier après l'entrée des troupes russes en Afghanistan (intervention qui a été sévèrement dénoncée par Bagdad), elle est interprétée comme une mesure destinée surtout à contrecarrer l'influence de l'URSS et de ses alliés dans le Golfe.

Neutralité

L'Iraq, qui accueillera en 1982 à Bagdad le sommet des non-alignés, entend cependant préserver son image de pays neutraliste. Tout en se rapprochant progressivement de l'Occident, il ne souhaite nullement rompre avec Moscou avec lequel il est toujours lié par un traité d'amitié et qui demeure son principal fournisseur d'armes. Il désire cependant équilibrer ses relations avec les deux Grands en rétablissant les liens diplomatiques avec Washington, rompus en 1967 à la suite de la guerre des six jours. Toutes les tentatives en vue de normaliser les rapports iraqo-américains se heurtent toutefois à l'obstacle palestinien.

Les États-Unis sont cependant représentés à Bagdad par une importante mission diplomatique. De plus, il existe désormais entre Washington et Bagdad une alliance politique de fait résultant de leur opposition commune au régime de Téhéran.

Subversion

Les rapports iraqo-iraniens, passablement tendus depuis l'instauration de la République islamique à Téhéran, se détériorent gravement au début d'avril à la suite de l'attentat manqué dont est victime, le 1er avril, Tariq Aziz, vice-Premier ministre iraqien et principal idéologue du régime baassiste. Bagdad rejette sur Téhéran la responsabilité de la tentative et accuse les Iraniens d'« inspirer, financer et armer » les mouvements clandestins d'opposition chiites, particulièrement actifs en Iraq depuis le début de 1980. Le président Saddam Hussein jure publiquement de faire « payer cher » ses crimes à la République islamique. Une grenade lancée, le 5 avril, sur un convoi funèbre à Bagdad fait monter davantage la tension.