Cinq jours plus tard, Carter rompt enfin le silence. Il prononce dans le bureau ovale de la Maison-Blanche un discours de trente-cinq minutes, que certains n'hésitent pas à qualifier de sermon sur la montagne. Dans le style qui lui est propre, Carter brosse tout d'abord un tableau des difficultés morales et spirituelles traversées par les États-Unis : « C'est une crise de confiance dans notre avenir, une menace pour notre système », dit-il.

Carter énumère ensuite ce que sont à ses yeux les raisons de cette crise : « Les deux tiers de notre peuple ne votent même pas. La productivité des travailleurs américains diminue. Il y a un manque de respect pour les gouvernements, les Églises, les écoles. Le fossé entre nos citoyens et notre gouvernement n'a jamais été aussi large. Ce que l'on voit trop, c'est un gouvernement incapable d'action, un Congrès tiraillé dans toutes les directions. On voit souvent la paralysie, la stagnation et la dérive. »

« Nous sommes à un tournant de notre histoire, poursuit-il. La crise de l'énergie est réelle, mondiale. Mais nous avons plus de pétrole dans nos schistes que plusieurs Arabies Saoudites, plus de charbon qu'aucun autre pays sur terre. Sur le champ de bataille de l'énergie, nous pouvons gagner pour notre pays une nouvelle confiance. La solution de la crise de l'énergie peut nous aider à vaincre la crise spirituelle de notre pays. »

Propositions

Carter propose alors un plan d'économies de l'énergie en sept points, dont les principaux sont les suivants :
– réduction de 4,5 millions de barils par jour de la consommation de pétrole importé d'ici à 1990 (ce chiffre représente une réduction d'environ 50 % du niveau actuel des importations) ;
– utilisation des pouvoirs présidentiels pour instituer en 1979 et en 1980 des contingentements d'importation, de manière à ramener sans plus tarder les importations d'or noir à 8,5 millions de barils par jour et même au-dessous ;
– affectation des ressources financières et techniques « les plus massives en temps de paix » pour produire des carburants de synthèse. Une production de 2 millions de barils par jour devra être atteinte en 1990 ;
– obligation aux centrales électriques de réduire de moitié, d'ici à 1990, leur consommation de produits pétroliers, grâce à un recours plus actif au charbon ;
– 10 milliards de dollars seront consacrés au développement des transports en commun.

Le 16 juillet, Carter indique que l'énergie nucléaire, qu'il a passée sous silence la veille, doit jouer, elle aussi, un rôle important.

Décidé à montrer à ses compatriotes qu'il entend repartir du bon pied sur des bases nouvelles, le chef de la Maison-Blanche fait annoncer, le 17, que tous les membres de son cabinet et ses principaux collaborateurs ont offert leur démission, mesure sans précédent pendant l'exercice d'un mandat présidentiel et qui fait l'effet d'un coup de tonnerre à Washington.

Au cours des jours qui suivent, Carter nomme Hamilton Jordan secrétaire général de la Maison-Blanche, un poste qu'il s'était refusé d'attribuer depuis son arrivée au pouvoir. Le secrétaire au Trésor, Michael Blumenthal, est remplacé par le président du système de réserve fédéral, William Miller ; Patricia Harris, jusqu'alors secrétaire au Logement et au Développement urbain, succède à Joseph Califano à la tête du département de la Santé, de l'Éducation et des Affaires sociales ; Benjamin Civiletti remplace Griffin Bell, l'attorney general (ministre de la Justice) dont il était l'adjoint. Changements de titulaire également à l'Énergie, où Charles Duncan (ancien président de Coca-Cola) prend le fauteuil de James Schlesinger, aux Transports, où Neil Goldschmidt, ancien maire de Portland, succède à Brook Adams, et au Logement, où Moon Landrieu, ancien maire de La Nouvelle-Orléans, prend la place laissée vacante par Patricia Harris.

Indifférente à cette réorganisation de l'équipe dirigeante, que la presse, en revanche, a mal accueillie, l'opinion publique a jugé positif le discours du 15 juillet. Selon un institut de sondage, la cote de popularité de Carter, qui était descendue à 26 % — le pourcentage le plus bas jamais obtenu par un président des États-Unis —, remonte de 11 points. Mais le crédit que son message solennel a pu valoir au chef de l'exécutif ne tarde pas à s'épuiser. L'homme de la rue retrouve rapidement sa morosité du début de l'été. L'énergie demeure en tout cas une préoccupation constante de l'ensemble des Américains. En prévision d'une facture de chauffage plus élevée de 40 % cette année, la plupart d'entre eux font assaut d'imagination pour se préparer aux rigueurs de l'hiver.