Le parti communiste, lui, est le premier à partir en campagne pour la bataille de l'Europe. Il publie sa liste, menée par un Georges Marchais très actif et très véhément (notamment contre les journalistes en ce début d'année). Il y intègre en fanfare Emmanuel Maffre-Beaugé, dirigeant viticole chrétien de l'Hérault. Tout de même, le PC a, lui aussi, ses protestataires qui contestent les conditions du débat préparatoire au congrès.

Au bord de la crise

C'est dans la majorité, une fois de plus, que se produit le plus spectaculaire. Au cours de sa conférence de presse consacrée à la politique étrangère, Valéry Giscard d'Estaing a, le 5 février, condamné sévèrement les appels à la xénophobie et à la germanophobie. Il vise évidemment les campagnes européennes de Georges Marchais et de Jacques Chirac. À l'occasion des journées parlementaires du RPR, Jacques Chirac (il est toujours provisoirement invalide) donne au Monde une interview qui critique vivement l'action européenne du gouvernement et suggère de prendre « le contre-pied des errements récents en matière économique et sociale ». Le président du RPR fait demander une session extraordinaire du Parlement sur l'emploi et la formation de deux commissions d'enquête, l'une sur l'emploi (c'est le grand sujet), l'autre sur l'information.

À nouveau, la majorité est au bord de la crise, tout au bord. Valéry Giscard d'Estaing, qui apprend la nouvelle au cours d'un voyage officiel au Mexique, ne s'opposera pas, à son retour, à la convocation du Parlement, mais laisse entendre nettement que, si la lettre de la Constitution est respectée, l'esprit gaullien l'est beaucoup moins. Yves Guéna (no 2 du RPR), qui n'avait pas été averti de ces projets, démissionne de son poste de délégué politique, où Claude Labbé le remplace sur-le-champ. Chez les gaullistes, on grogne beaucoup contre le gouvernement, mais on s'inquiète du tour de la discorde. D'autant plus que, le 9 mars 1979, Simone Veil accepte officiellement de prendre la tête de liste UDF élargi pour les élections européennes. Or, elle est, depuis le début du septennat, la personnalité de loin la plus populaire de la majorité.

La session extraordinaire qui se réunit les 14, 15 et 16 mars se passe mal. Jacques Chirac veut affaiblir le gouvernement sans le censurer. La gauche dépose évidemment ses motions de censure. On raille les adeptes du « jusqu'où aller trop loin ». Le RPR s'allie tantôt avec la gauche contre le gouvernement, tantôt avec l'UDF contre l'opposition. La presse n'est pas tendre. La session finit paradoxalement par affaiblir les parlementaires, par conforter Raymond Barre et par ternir l'image de Jacques Chirac.

Ni succès ni échec

Enfin, voici les élections cantonales le 18 et le 25 mars. C'est un succès pour la gauche et surtout le PS, mais ce n'est pas un triomphe ! C'est un échec pour la majorité, mais ce n'est pas une déroute. L'UDF y fait la preuve d'une implantation locale nettement supérieure à celle du RPR. La participation est très honorable (36,9 % d'abstentions au premier tour) ; le PC se maintient (22,4 % contre 22,7 % en 1973) ; le PS gagne 5 points (26,9 % contre 21,9 % en 1973) ; le MRG stagne (1,8 % contre 1,9 %) ; l'UDF, qui n'existait pas en 1973, rassemble 21,1 % des voix ; le RPR, qui n'a pas assez de candidats, 12,3 %, contre 12,7 % en 1973.

Tous les membres du gouvernement en lice sont élus. Mais c'est surtout l'un deux, le secrétaire d'État Daniel Hoeffel (UDF), qui défraie la chronique en allant battre, dans son fief de la Meinau (à Strasbourg), l'ancien ministre RPR André Bord. Au total, l'opposition gagne 189 sièges, dont 154 pour le PS. La majorité conserve le contrôle du plus grand nombre des présidences de conseils généraux, 49 contre 45 pour l'opposition qui n'enlève donc que 7 départements. Il est vrai que certains radicaux de gauche se sont montrés plus proches de l'UDF que du PS.

Jacques Chirac doit laisser la présidence de son conseil général de Corrèze au doyen d'âge RPR, après d'âpres négociations avec le maire de Brive, Jean Charbonnel, gaulliste d'opposition ; le PC a reculé à nouveau dans la région parisienne, mais s'est bien tenu en province, notamment dans certaines régions en difficulté ; le PS — premier parti de France aux élections locales — savoure sa victoire, qui renforce grandement, à un moment important, la position de François Mitterrand.