Budget

L'annonce des jours difficiles

Quand il était rapporteur général du budget à la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Maurice Papon avait déclaré à Raymond Barre que son projet de loi de finances pour 1978 n'était pas « génial ». Il avait toutefois ajouté que, compte tenu des circonstances, « il était difficile de présenter autre chose »... Sage prudence ! Devenu ministre du Budget, M. Papon n'a pas fait luire l'étincelle du génie dans la loi de finances pour 1979, et la mise au point du budget de 1980 s'est avérée encore plus ardue.

Contradictions

Car le budget est au cœur des contradictions de la politique économique : il doit participer à la lutte contre l'inflation et, en même temps, c'est l'outil privilégié du soutien de l'économie. « Le chemin est étroit entre ces deux impératifs », a plaidé M. Papon. Il est même de plus en plus étroit au fur et à mesure que la croissance lente s'installe et déprime l'activité économique et les recettes fiscales, contraignant le gouvernement simultanément à augmenter le soutien et à réduire les dépenses — à moins de recourir à un tour de vis fiscal qui risque lui-même d'affaiblir l'expansion. Le nouveau choc pétrolier subi en 1979 a exercé une influence à la fois inflationniste (relance de la hausse des prix) et déflationniste (freinage de l'activité), et le double antidote qu'on a voulu fournir avec le budget s'est vraiment apparenté à la recherche de la quadrature du cercle.

Déjà, les résultats de 1978 montrent combien l'exercice est difficile. Dans un louable effort de sincérité, la loi de finances pour 1978 avait été présentée avec un déficit (– 8,9 milliards de F), pour la première fois depuis 1969 (année du retour de Valéry Giscard d'Estaing aux affaires). Une première loi de finances rectificative, au printemps, n'avait pas accru ce déficit, les charges du deuxième pacte national pour l'emploi étant compensées par un relèvement des taxes sur l'essence. Mais une deuxième loi rectificative majorait le déficit de 3 milliards, à l'automne, sous le poids de la restructuration de la sidérurgie et de la création du Fonds spécial d'adaptation industrielle, destiné à venir en aide aux régions frappées par la crise (pôle sidérurgique de Lorraine et chantiers navals).

Enfin, une troisième loi rectificative en fin d'année rajoutait 10 milliards de charges... tout en diminuant les rentrées fiscales de presque autant, la perte de recettes étant partagée à égalité entre la TVA et l'impôt sur les sociétés. L'exercice 1978 s'est donc terminé sur un déficit de 29,8 milliards. En réalité, le chiffre final de la loi de règlement sera encore supérieur : – 34 milliards environ et même – 38 si l'on tient compte des pertes de change. Le record réalisé en 1975 au creux de la pire récession depuis la guerre (– 37,8 milliards), après des années d'excédent, a donc été égalé en 1978.

Croissance molle

Le déficit initial de 1978 a été multiplié par quatre malgré un effort de sincérité. Comment est-ce possible ? C'est toujours la même mécanique issue de la crise qui est à l'œuvre : la croissance molle freine les recettes et oblige à majorer les dépenses, de sorte que l'écart ouvert en 1975 entre les unes et les autres ne peut plus être comblé ; pire, il tend même à s'élargir, comme nous le verrons plus loin. Le plus décevant est que 1978 a été une année meilleure en termes de croissance économique (+ 3,3 % en volume). Que dire alors de 1979, où la reprise de l'activité s'est cassée à la suite du choc pétrolier, et de 1980, qui doit supporter le plus gros du prélèvement de l'OPEP ?

Au départ, on observe un souci accru de réalisme, puisque la loi de finances pour 1979 a été conçue avec un déficit de 15 milliards. D'emblée aussi, on retrouve la contradiction de la politique économique. Présentant le budget, M. Papon a déclaré : « La politique budgétaire obéit à un double impératif : soutenir l'activité économique, mais aussi poursuivre l'assainissement des finances publiques. Le budget de 1979 traduit les exigences contrastées de ce compromis : il s'agit d'un budget à la fois actif, sincère et équitable. »