Au-delà de ces activités souvent sanglantes du milieu, les Français ont surtout retenu de l'actualité criminelle une longue litanie de petits délits, dont l'énumération savamment serinée par certains journaux et certains groupes contribue, bien plus que le massacre du Bar du téléphone, à entretenir le fameux climat d'insécurité.

Voyageurs rançonnés

La petite délinquance s'est d'abord fait remarquer dans les transports en commun : en un an, une bande a pillé les coffres-forts de 35 stations du métro parisien avant de se faire arrêter ; des groupes de jeunes ont entrepris de rançonner les voyageurs dans les rames, tandis que d'autres les attendaient au coin d'un couloir désert. À Lyon, une bande d'adolescents saccage un autobus et dévalise ses passagers comme le faisaient les bandits de l'Ouest américain au passage des diligences. Au total, pour la seule région parisienne, la RATP signale pour 1978, 180 incidents dans ses autobus, 2 196 vols à la tire et 709 agressions dans le métro. Chiffres lourds, mais qu'il faut rapprocher de l'importance du trafic : 2 700 000 voyageurs dans le métro chaque jour, plus d'un milliard par an.

Alors que le nombre des hold-up diminuait, sans doute à la suite du renforcement des mesures de sécurité dans les banques, ce sont les postiers qui font les frais des petits truands. 5 000 bureaux de poste sont jugés insuffisamment protégés par les syndicats. Dans la seule région parisienne, on enregistre, en moins d'un an, 82 attaques contre des facteurs.

Facteurs agressés

Le scénario est toujours le même. L'agression a lieu peu de temps après le départ du bureau de poste. Son ou ses auteurs sont armés d'un couteau, d'une barre de fer, plus rarement d'une arme à feu. Dès que la victime s'engage dans une rue peu passante, on lui arrache sa sacoche ou on la contraint à s'en défaire sous la menace. Le butin est le plus souvent dérisoire : 1 000, 2 000, parfois 3 000 F. Les PTT, pour décourager les agresseurs, fractionnent en petites sommes l'argent que doivent convoyer les facteurs, quitte à leur faire faire plusieurs tournées. Et la consigne est formelle : « En cas d'agression, ne vous défendez pas. »

Pourtant, le 27 septembre 1978, Georges Albert ne se laisse pas faire. Il y a vingt ans qu'il distribue le courrier de la rue de Belleville, à Paris. Si on l'attaque, il est bien décidé à se défendre. C'est ce qu'il fait lorsqu'un jeune immigré se rue sur lui dans le hall d'un immeuble. Dans la bagarre, son agresseur sort un couteau et frappe. Georges Albert s'écroule, mortellement blessé. Il avait 18 000 F dans sa sacoche. Ses collègues feront grève le jour de ses obsèques pour obtenir une meilleure protection.

Les facteurs des Bouches-du-Rhône auront la même réaction après le meurtre de Georges Candella, receveur d'un petit bureau. Lui non plus n'a pas voulu céder au gaillard armé et décidé qui a attaqué son bureau de poste. Il a refusé de lui donner les clefs du coffre. Antoine Raccione n'a pas hésité : il a tué le receveur de 5 balles tirées à bout portant. Antoine Raccione était CRS à Marseille. Son service terminé, il montait des opérations avec des amis truands.

Légitime défense

Avec le développement des loisirs, les résidences secondaires sont de plus en plus nombreuses. Et les petits voleurs s'y intéressent de plus en plus. 13 000 chaumières, mas, fermettes et villas de tout style ont été visités par des indésirables en 1978.

Il est difficile de protéger efficacement sa résidence secondaire. Les sirènes d'alarme du type de celles qui sont utilisées dans les bijouteries ou les banques sont désormais autorisées, après avis du préfet, chez les particuliers.

Mais beaucoup croient que, pour décourager les cambrioleurs, rien ne vaut un bon fusil, ou à la rigueur une machine infernale. C'est ainsi qu'un garagiste de Troyes, lassé de recevoir des visites nocturnes, avait piégé un transistor. Un de ses voleurs a été tué par l'explosion de l'engin. Lionel Legras a été condamné par un tribunal correctionnel à 6 mois de prison et 600 F d'amende. Scandalisé par le jugement, il cherche à passer aux assises, devant un jury populaire, qui, il en est sûr, l'acquittera. Sept meurtriers partisans de l'autodéfense ont déjà été acquittés par des cours d'assises en quelques mois. Tous avaient reçu le soutien actif de l'association Légitime défense fondée par un ancien magistrat, François Romerio. Ses membres jugent la police inefficace, la justice laxiste et n'hésitent pas à tirer pour défendre leurs biens.