Les jeux ont toujours eu du succès à la télévision. La tête et les jambes, Intervilles, Des chiffres et des lettres paraissent être des formules inusables. Malgré des critiques parfois acerbes devant la médiocrité de certaines séquences, le public n'a jamais paru ressentir un sentiment de lassitude.

Tiercé

Le secret du succès, en matière de jeu, est l'extrême simplicité. Pour être tenté, le public doit avoir la fortune à portée de la main. Condition nécessaire parfaitement remplie par le tiercé : le but de ce jeu, conçu par un polytechnicien, André Carrus, consiste à désigner les chevaux terminant aux trois premières places d'une course. En réalité, le parieur ébloui par l'apparente facilité de ce jeu oublie que, dans une épreuve réunissant vingt concurrents, il existe 6 840 combinaisons possibles. Mais, pour la première fois dans l'histoire des jeux, les parieurs avaient l'impression de pouvoir maîtriser le hasard : en tenant compte de divers paramètres — valeur intrinsèque des chevaux, qualité et forme des jockeys, des entraîneurs, état du terrain, etc. —, chacun peut établir un pronostic basé sur le raisonnement et la logique.

D'où le succès du jeu, qui, après un démarrage plutôt discret, conquit le grand public lorsqu'au mois d'avril 1957, à l'occasion du tiercé du prix du président de la République, on apprit qu'il était possible de gagner 32 millions de centimes pour la modeste mise de 2 F. Cette énorme publicité allait permettre au tiercé de réunir chaque dimanche un nombre toujours croissant d'adeptes jusqu'à devenir un véritable phénomène de société.

En quelques années, les rubriques spécialisées se développèrent dans les journaux de grande information, tandis qu'une presse entièrement consacrée aux courses et au tiercé s'imposait. Les activités dominicales furent bouleversées. Dans certaines communes où le PMU n'avait pas installé d'agence, les édiles eux-mêmes en réclamèrent l'ouverture. Les habitants avaient pris l'habitude de se rendre à la ville voisine pour faire enregistrer leurs jeux. Ils profitaient du déplacement pour y effectuer leurs achats, ce qui, finalement, portait préjudice au commerce local.

Avec quelque 108 tiercés par an, le succès de ce jeu ne s'est jamais démenti. Les parieurs ont parfois boudé un peu — notamment lorsque la mise initiale est passée de 3 à 5 F au mois de janvier 1976 —, mais, quelques mois plus tard, ils reprenaient leurs habitudes.

Au cours de l'année 1978, les Français ont joué 17 667 023 019 F aux courses, dont 7 791 850 685 F au tiercé. Car le succès de ce jeu a été bénéfique à toute l'institution : il existe en France 348 hippodromes ; 277, il est vrai, n'ont qu'un petit nombre de réunions : de 1 à 5 par an. Mais, à Vincennes, les trotteurs organisent 140 réunions annuelles.

Bien qu'il soit difficile à déterminer avec précision, on estime que le nombre de tiercéistes est de l'ordre de 7 à 8 millions de personnes, et les courses, au travers des différentes activités qu'elles recouvrent, notamment l'élevage, assurent le revenu de 120 000 familles environ.

Pour renouveler un peu la formule du tiercé, les sociétés de Courses ont lancé le quarté. Il s'agissait cette fois de désigner quatre chevaux et non plus trois. Les rapports ont flambé : un quarté a même permis de gagner 1 277 196 F pour 5 F (janvier 1978). Mais ce jeu n'a pas tenu toutes ses promesses et l'on s'oriente plutôt vers la mise en place de nouveaux modes de paris.

L'État n'a pas été le dernier à bénéficier de l'engouement du tiercé : cinq contribuables aussi importants que le PMU suffiraient pour que les Français ne paient plus d'impôts sur le revenu !

Loto

L'un de ces contribuables privilégiés pourrait bien être le Loto national : sur 100 F de mises, 27 F reviennent au Trésor (le prélèvement de l'État a été porté à 29 % par la loi de Finances 1979), 54,60 F aux gagnants et 18,40 F assurent les frais de fonctionnement de l'entreprise.

Le Loto, plus simple encore que le tiercé, consiste, sur une grille de 49 chiffres, à cocher les six chiffres que l'on espère voir sortir. C'est un jeu de hasard pur, bien dans la tradition de la Loterie nationale.