Les premières réactions après l'élection de Karol Wojtyla à la papauté sont d'autant plus prudentes qu'on ne sait rien des relations de l'ancien évêque de Cracovie avec la communauté juive et que l'antisémitisme polonais d'origine chrétienne a causé, même dans un passé récent, bien des crimes et des injustices. Le pèlerinage de Jean-Paul II à Auschwitz lui vaut la sympathie de nombre de Juifs qui apprennent avec intérêt l'audience qu'il a précédemment accordée, le 12 mars, à une large délégation juive qui, pendant deux journées, a travaillé au Vatican avec la commission chargée des relations avec le judaïsme. Le pape confirme à cette occasion qu'il ne réclame pas pour les Lieux saints de Jérusalem une reconnaissance internationale.

La collectivité juive de France reste sensible, au premier chef, aux relations de Paris avec Israël. Elles sont désordonnées et appréciées, généralement, de manière négative. La communauté ne comprend pas les conseils donnés par le président Giscard d'Estaing au président Sadate de refuser à Israël toute paix qui ne serait pas globale. Elle est indignée par l'action de la France sur ses partenaires européens, pour éviter que les pays de la CEE expriment leur encouragement à l'Égypte et à Israël après la signature de l'accord de paix. Cependant, le général Dayan, ministre des Affaires étrangères d'Israël, est reçu à Paris avec cordialité.

Réaction défavorable aussi des Juifs de France à l'invitation lancée à l'OLP par le parti socialiste de participer à son congrès annuel. Les réticences socialistes, à la suite de ces réactions, amènent le PS à n'adresser à l'OLP qu'une invitation partielle à laquelle l'organisation palestinienne s'abstient de répondre.

À propos de ses structures, la communauté française présente cependant plus d'indices de faiblesse que de réconfort. On le constate à l'occasion de l'interview accordée par Guy de Rothschild, président du Fonds social juif unifié et de l'Appel juif unifié de France, dont les propos malencontreux, dans une publication spécialisée, ne provoquent de la part des dirigeants de la communauté qu'une réaction d'évidente faiblesse.

Les problèmes financiers pèsent lourdement sur une communauté qui n'est pas réputée pour sa générosité et qui est frappée par la crise économique française. Nombre de fonctionnaires d'institutions juives sont licenciés, et certaines institutions comme le CIDIM, Centre d'information sur le Proche-Orient, ferment leurs portes, au moins partiellement, alors que l'aide sociale, notamment aux personnes âgées, est fortement diminuée.

Une communauté de 300 000 âmes

Le grand rabbin Meir Jaïs ayant décidé de faire valoir ses droits à la retraite comme grand rabbin de Paris, se pose le problème fondamental de la direction spirituelle d'une communauté forte de quelque 300 000 âmes. Les structures consistoriales actuelles ne sont plus adaptées à la composition et aux problèmes de la plus grande communauté juive de France (le consistoire de Paris étend également son autorité à la banlieue). Le grand rabbin de France doit se retirer dans les années sinon dans les mois à venir ; la question est posée de savoir si les postes de grand rabbin de Paris et de grand rabbin de France ne devraient pas être confondus. Le grand rabbinat de Paris ou de France pourrait être réparti entre plusieurs personnes, qui auraient la charge effective d'animer une communauté au potentiel extraordinaire. Un directoire, qui serait composé de différents grands rabbins régionaux et de personnalités marquantes parmi les rabbins français, permutables entre eux, pourrait donner l'impulsion nécessaire, tout en évitant les dépenses inhérentes à la nomination de plusieurs grands rabbins s'ils étaient à la charge exclusive du consistoire de Paris. Cette solution éviterait aussi les inconvénients de nominations qui immobilisent un même poste jusqu'à la retraite du titulaire. Rien n'indique cependant que les dirigeants consistoriaux soient prêts à bouleverser les structures communautaires actuelles qui datent de ... Napoléon Ier.

Points positifs

Les institutions de la communauté continuent cependant sur leur lancée. La participation électorale pour le renouvellement d'une partie du Conseil national du FSJU est considérée par ses responsables comme encourageante, avec 7 821 suffrages exprimés sur 34 396 inscrits.