La vie religieuse

Catholiques

Décidé à appliquer le concile Jean-Paul II se révèle homme de caractère

Blanche ou noire ? Blanche. Vers 18 h 20, le lundi 16 octobre, la fumée sortie du petit poêle de la chapelle Sixtine où l'on brûle les bulletins de vote des cardinaux annonce au monde qu'un nouveau pape, le 264e successeur de l'apôtre Pierre, a été élu. Vingt minutes plus tard, le nom de ce nouveau pape, le cardinal Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie, qui prend le nom de Jean-Paul II, va susciter l'étonnement : jamais la Pologne n'avait donné un pontife à l'Église, et depuis plus de quatre siècles tous les papes étaient italiens. Une nouvelle page de l'histoire de l'Église commerce en cette année qui a vu mourir deux papes en l'espace de quelques semaines.

Popularité

À l'étonnement succédera bientôt l'enthousiasme. En quelques jours, le nouveau pontife acquerra une immense popularité. Sa personnalité l'explique. Ce pape venu d'ailleurs est relativement jeune (il est né en 1920). Il a connu des expériences diverses : ouvrier dans une carrière et une usine chimique pendant la guerre, vicaire rural, aumônier d'étudiants, sans compter son activité d'écrivain (ouvrages scientifiques et articles doctrinaux, mais aussi poésie et pièces de théâtre). Bref, il sort des normes traditionnelles. En outre, sa conviction est évidente et l'opinion pressent en lui un homme de caractère.

Les signes de sa popularité ne se démentiront pas. Dès le printemps, l'audience publique que donne traditionnellement le pape le mercredi devra être tenue sur la place Saint-Pierre, toutes les salles du Vatican et la basilique elle-même se révélant trop exiguës pour accueillir les dizaines de milliers de visiteurs qui se rassemblent à Rome à cette occasion. Radio-Vatican voit doubler en quelques mois le volume du courrier qui lui parvient des quatre coins du monde. Et, en avril, la presse italienne peut annoncer qu'il s'est vendu autant de posters et de portraits du nouveau pape en cinq mois que de Paul VI durant tout son règne.

Le successeur de Paul VI et de Jean-Paul Ier indique dès le jour de son élection qu'il entend conformer son attitude à la leur, qu'il se mettra à leur « éminente école ». Et dans son premier message au monde, le 17 octobre 1978, il précise les grandes orientations de son pontificat : appliquer le concile, développer la collégialité, faire respecter les normes liturgiques, travailler à l'unité des chrétiens, contribuer au maintien de la paix et au développement de la justice internationale. À première vue il n'y a là rien de bien nouveau. On note pourtant l'insistance avec laquelle le nouveau pape demande une « adhésion convaincue au magistère de Pierre, spécialement dans le domaine doctrinal », et réclame la « fidélité à la grande discipline de l'Église ». Pas de doute : il entend opérer une certaine reprise en main. C'est d'ailleurs ce que le conclave attendait de lui.

Le pape et le maire communiste

Jean-Paul II, qui est aussi évêque de Rome, a rendu la traditionnelle visite au maire de la ville, Giulio Argan, avant de prendre possession de Saint-Jean-de-Latran.

Rappel à l'ordre

Le ton est donné le 9 novembre lorsque Jean-Paul II reçoit les 1 300 prêtres et religieux du diocèse de Rome. Car c'est un rappel à l'ordre à tous les prêtres qu'il formule : « N'allons pas croire que nous servons l'Évangile si nous essayons de diluer notre charisme sacerdotal dans un intérêt exagéré pour le vaste domaine des problèmes temporels, si nous voulons laïciser notre façon de vivre et de nous comporter, si nous supprimons aussi les signes extérieurs de notre vocation sacerdotale. Nous devons conserver le sens de notre vocation singulière, et cette singularité doit s'exprimer également dans notre vêtement extérieur. N'en ayons pas honte. » Le pape ajoute : « Nous sommes immensément nécessaires et pas à temps partiel, à mi-temps, comme des employés. »

Recevant, le 28 décembre, l'Association des médecins catholiques d'Italie, Jean-Paul II aborde un autre problème brûlant : l'avortement. C'est évidemment pour exprimer son ferme soutien à ceux qui le refusent. Il reprendra ce discours le 31 décembre, qui est le dimanche de la Sainte Famille. Et les termes qu'il choisit suscitent de véhémentes réactions des partisans de l'avortement, dans la presse, à la radio et à la télévision italienne. L'Osservatore Romano et Radio-Vatican répliquent avec une véhémence égale. Le 3 janvier 1979, Jean-Paul II apporte une certaine détente en déclarant, lors de la traditionnelle audience du mercredi : « Nous ne cherchons pas la bataille, mais les domaines d'entente. »

Discours de Puebla

Sa volonté de reprise en main, le nouveau pape va avoir d'autres occasions de la manifester. Le 25 janvier, il part pour le Mexique, où il veut participer à la IIIe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain qui doit se tenir à Puebla. Après une brève escale à Saint-Domingue, il est à Mexico le 26. Et aussitôt, dans une homélie à la cathédrale, il met en garde à la fois « ceux qui demeureraient attachés à des aspects accidentels de l'Église, qui avaient leur valeur dans le passé, mais sont maintenant révolus » et ceux qu'inspirerait « un prophétisme mal éclairé ». Il veut des chrétiens « cohérents », « fidèles à l'Église ». La foule mexicaine lui fait un triomphe. Mais on attend de tous côtés le discours qu'il doit prononcer pour l'ouverture de la conférence de Puebla.