Avec Famous, deux sous-marins français, le bathyscaphe Archimède et la soucoupe Cyana, et le submersible américain Alvin avaient exploré une portion dorsale médio-atlantique située à 700 km au sud-ouest des Açores. Il s'agissait donc d'une dorsale lente, au rythme d'accrétion d'environ 1 cm par an de chaque côté.

Les dorsales subocéaniques sont une chaîne de montagnes serpentant sous tous les océans, longue de quelque 60 000 km et jouant un rôle essentiel dans la dynamique de la Terre : dans leur zone axiale se met en place, par « giclées » successives, le matériau basique ou ultrabasique qui forme les fonds océaniques.

La zone explorée par Cyana lors de Cyamex — 21 plongées, 57 km parcourus sur le fond en 87 heures — est située à l'entrée du golfe de Californie et fait partie de la dorsale de l'est du Pacifique. Le rythme d'accrétion y est de l'ordre de 3 cm par an de chaque côté, ce qui suffit à rendre différentes la morphologie des zones actives, la forme et, probablement, la composition des laves. Ce rythme d'accrétion est analogue à celui de la dorsale des Galapagos explorée en 1977 avec l'Alvin par les Américains.

Comme celle des Galapagos, la dorsale étudiée lors de Cyamex comporte, dans sa zone axiale, de nombreuses sorties hydrothermales permettant le développement de clams (mollusques voisins des praires) géants atteignant un diamètre de 30 à 50 cm. Sur la dorsale des Galapagos, cette faune gigantesque était vivante ; l'expédition franco-américano-mexicaine n'a vu que des « monstres » morts. Cela s'explique probablement par le fait qu'aucune des plongées de Cyamex n'a eu la chance de tomber sur des sorties hydrothermales actives : l'eau du fond était revenue à sa température habituelle, légèrement inférieure à 2 °C, alors que les clams ont besoin de 12 °C.

Métaux

Les sorties hydrothermales sont en outre signalées par des dépôts de sulfures métalliques riches en zinc, fer, cuivre, plomb, argent, cadmium. En l'état actuel des connaissances, cela ne veut absolument pas dire que l'on a trouvé des minerais exploitables.

Les chercheurs français, américains et mexicains ont vu aussi de véritables forêts de colonnes de laves feuilletées couvrant des centaines ou même des milliers de mètres carrés. Hautes parfois de 15 m, ces colonnes se sont probablement formées dans des lacs sous-marins de lave très fluide remplissant des baignoires naturelles.

Au contact de l'eau de mer froide, une croûte de lave solide et isolante apparaît sur le haut du lac. Mais la lave en fusion a emprisonné de l'eau de mer qui, chauffée, veut s'échapper. Elle jaillit donc en jets verticaux traversant de bas en haut la lave. L'eau, plus froide, solidifie la lave à son contact, ce qui explique que ces colonnes soient creuses. Quant à l'apparence extérieure feuilletée, on l'attribue aux baisses de niveau du lac de lave : à chaque niveau se serait formée une croûte superficielle qui n'a subsisté que là où elle était accrochée à une colonne.

L'expédition Cyamex est en principe la première campagne d'une opération plus vaste nommée Rita (de Rivera, le nom d'une plaquette coincée entre les plaques Pacifique et Amerique, et de Tamayo, une faille transformante qui réunit deux des segments décalés de la dorsale de l'est du Pacifique et le long de laquelle la plaque Amérique et la plaque Pacifique glissent latéralement, en sens inverse l'une par rapport à l'autre).

Au cours de la deuxième campagne (10 avril-15 mai), Rise (Rivera Submersible Experiment), on a découvert l'existence, à 2 600 m, d'amas de sulfures polymétalliques (zinc, cuivre et fer) percés d'une cheminée d'une dizaine de centimètres de diamètre. De certaines de ces cheminées sortaient des jets d'eau de 150 à 500°. Ce sont les températures les plus élevées jamais trouvées au fond de la mer. On a procédé à des prélèvements d'une extraordinaire faune vivante : clams géants, pogonophores (sortes de vers) cirripèdes (crustacés d'espèce inconnue).

Une troisième phase, Rose (Rivera Ocean Seismic Experiment), viendra peut-être ensuite, toujours dans la même région, pour étudier depuis la surface, mais par des sismographes posés sur le fond, la structure interne de la dorsale. Enfin, les spécialistes voudraient pouvoir, au cours de Rime (Rivera Mapping Experiment), dresser avec la plus extrême précision la bathymétrie de la région étudiée.

Les boues métallifères prennent l'avantage sur les nodules

L'existence des nodules polymétalliques qui tapissent d'énormes surfaces des grands fonds océaniques est connue depuis l'expédition du Challenger (1872-1876), la première campagne océanographique moderne. Mais il n'y a guère qu'une vingtaine d'années que l'on s'intéresse vraiment à ces nodules.