Les essais au sol des trois étages d'Ariane se sont poursuivis activement au cours de ces douze mois. Des difficultés sont apparues, par manque de tenue du col en graphite des tuyères du premier étage ; cette pièce ne tient pas jusqu'à la fin de la propulsion. Elle sera remplacée par une autre en silico-résine, qu'il a fallu étudier en catastrophe et fabriquer dans les plus brefs délais. Aux dernières nouvelles, le premier tir expérimental d'une fusée Ariane devait avoir lieu au cosmodrome de Kourou (Guyane) en novembre 1979.

Monopole

Avant même d'avoir reçu le baptême de l'espace, Ariane a valu un brillant succès à l'ASE et à la technologie française en particulier.

Les réseaux de satellites de télécommunications des pays occidentaux appartiennent à une organisation internationale, l'Intelsat, où l'influence des États-Unis a toujours été prépondérante. Or, le 7 décembre 1978, l'Intelsat a décidé que l'un de ses trois derniers satellites de la série 5, à lancer en 1981-1982, sera mis en orbite par Ariane, les deux autres devant l'être par la navette américaine. Ainsi, pour la première fois, un satellite de cette organisation internationale ne sera pas lancé par une fusée américaine. C'est aussi la première fois que l'ASE vend son lanceur, et ce au terme d'une dure compétition avec deux engins américains : la fusée Atlas-Centaur et le Shuttle, ou navette.

La France : de l'avant, malgré la crise

Malgré la crise économique, l'intérêt de la France pour la recherche spatiale ne se dément pas. Le budget du CNES pour 1979 est de 1,415 milliard de F, en augmentation de 11 % sur celui de l'année précédente. Ces sommes ne proviennent pas, comme on pourrait le croire, du seul ministère de tutelle, car, d'année en année, les activités du CNES intéressent un nombre croissant de départements, qui versent des contributions prélevées sur le budget d'autres ministères : P et T, Défense, Transports, Agriculture, Départements et territoires d'outre-mer, etc.

La plupart des programmes du CNES présentent un caractère international. L'essentiel de ses efforts en hommes et en matériel porte sur les programmes de l'ASE et, en premier lieu, sur la mise au point du lanceur Ariane et l'aménagement du cosmodrome de Kourou (Centre spatial guyanais), d'où doivent partir ces fusées.

Le CNES participe aussi à nombre de programmes américains et, surtout, soviétiques.

Des bouffées de rayonnements gamma venant du cosmos sont interceptées par l'atmosphère. Pour localiser leurs sources, le CERS de Toulouse a imaginé de munir de détecteurs gamma plusieurs engins spatiaux : connaissant le décalage de l'heure d'arrivée d'une même bouffée de rayonnements à ces différents détecteurs, on pourra situer dans l'univers la source émettrice. Le petit satellite Signe 3, lancé par les Soviétiques en 1977, était porteur d'un tel détecteur, ainsi que les satellites Prognoz 6 (1977) et 7 (30 octobre 1978). Les Soviétiques avaient accepté aussi que ces mêmes détecteurs gamma soient installés à bord de leurs sondes Venera 11 et 12. Les Américains ont doté aussi leur Pioneer-Venus 1 d'un détecteur de sursauts gamma dont les mesures pourront être exploitées par les promoteurs français de l'opération Signe.

Le CNRS a pu utiliser les sondes soviétiques pour des expériences de mesure de l'hydrogène et de l'hélium dans l'espace interplanétaire et de mesure des gaz rares dans l'atmosphère de Vénus. Enfin, le satellite Prognoz 7 emporte deux autres expériences françaises : Gémeaux S2, pour le compte du Commissariat à l'énergie atomique (Saclay), qui consiste en une étude des électrons et protons d'origine solaire ; Galaktika (Laboratoire d'astronomie spatiale, Marseille), pour l'étude du rayonnement ultraviolet de la Galaxie.

La banalisation des satellites

Les tarifs pratiqués pour l'utilisation des satellites de télécommunications de l'Intelsat ont subi une forte baisse. Depuis le 1er janvier 1979, la libre disposition d'un circuit téléphonique ne coûte que 960 dollars par mois. En 1965, lors de la mise en service des premiers satellites de télécommunications exploités sur des bases commerciales, la redevance pour une voie téléphonique était de 5 334 dollars.