Les observations faites au cours des dernières missions d'endurance soviétiques confirment et complètent ce que l'on savait déjà. Le défaut de pesanteur, en privant les muscles des contraintes auxquelles ils sont soumis au sol, les atrophie. Les membres s'affinent, le cœur lui-même, qui est un muscle, voit son volume se réduire.

Par ailleurs, comme aucun poids ne s'exerce sur les os, ceux-ci s'allongent, et l'astronaute grandit d'environ 1 cm par mois. Le globe oculaire est déformé, ce qui entraîne des troubles de la vision. La multiplication des cellules, qui assure l'indispensable régénération des tissus, est ralentie. Mais la conséquence la plus grave est une décalcification osseuse à laquelle, fort curieusement, certains individus sont beaucoup plus sensibles que d'autres.

À ces troubles s'en ajoutent d'autres ; ils se manifestent lors du retour au sol d'un organisme habitué à vivre sans poids. Se pencher en avant devient difficile ; le torse et la tête pèsent comme s'ils étaient en plomb. Les jambes donnent l'impression de ne pas pouvoir supporter le poids du corps. C'est pourquoi les premières photographies prises après l'atterrissage d'un Soyouz montrent les hommes assis à terre.

Naguère, on estimait que le temps nécessaire aux astronautes pour se réadapter à la pesanteur et retrouver leur état physique était, en gros, égal à la durée de la mission spatiale. Mais de sérieux progrès ont été accomplis, tant pour limiter les effets de l'absence de pesanteur dans la station orbitale que pour abréger la réadaptation après le retour. Des exercices quotidiens de musculation et de gymnastique générale atténuent l'atrophie musculaire et activent la circulation du sang. Des combinaisons spécialement conçues soumettent le corps à un changement de pression qui fait travailler le cœur. Un jour par semaine, les cosmonautes revêtaient une combinaison qui attire le sang vers les membres inférieurs.

Dès le surlendemain de leur retour, Kovalenok et Ivantchekov faisaient une promenade dans les bois voisins du cosmodrome de Baïkonour. Le premier, qui avait perdu 2,3 kg dans l'espace, retrouva son poids en 3 jours ; il en fallut 12 à son compagnon pour gagner les 3,9 kg qui lui manquaient. Reste à résoudre le problème de la décalcification. Même si une solution lui était trouvée, médecins et biologistes ne continueraient pas moins à recommander la plus grande prudence en matière de vols de longue durée. Ils manquent, en effet, de recul pour se prononcer sur d'éventuelles séquelles des conditions physiques du vol orbital.

Cela n'empêche pas le programme Saliout de se poursuivre et, tour à tour, on enregistre : l'occupation de la station (le 26 février) par l'équipe de Soyouz 32, constituée par Vladimir Liakhov et Valéry Rioumine ; son ravitaillement par l'engin Progress 5 (porteur, en particulier, d'un téléviseur : pour la première fois, des cosmonautes peuvent recevoir des images venant de la Terre) ; la tentative de Soyouz 33, dont les occupants, le Soviétique Nicolas Roukavichnikov et le Bulgare Gueorgui I. Ivanov, n'ayant pas réussi l'accostage, regagneront le sol deux jours après leur départ, qui avait eu lieu le 10 avril.

Ajoutons, pour en finir avec le programme Saliout, que désormais, outre des représentants des démocraties populaires, un Français sera aussi lancé. La décision a été rendue publique lors de la visite à Moscou de Valéry Giscard d'Estaing, en avril 1979.

Europe : sur le chemin de la réussite

L'entente règne, pour l'essentiel, au sein de l'Agence spatiale européenne (ASE), après des années troublées. Le budget de 1979 prévoit 3 054,9 millions de F de crédits de paiement et 2 401,3 millions de crédits d'engagement.

Outre l'exploitation des satellites déjà en orbite, l'ASE mène de front plusieurs programmes importants : les satellites Météosat (météorologiques), ECS (de télécommunications), Marecs (télécommunications maritimes et aide à la navigation), H-SAT (télédiffusion directe, du satellite au téléspectateur, sans intervention des émetteurs publics ou privés), Sirio (scientifique, conçu par les Italiens), etc. Les deux plus importants programmes sont ceux du Spacelab et du lanceur Ariane, dont les maîtres d'œuvre sont, respectivement, l'Allemagne et la France. Le Spacelab est un gros satellite, un laboratoire spatial qui doit être mis en orbite par la navette américaine. Ariane est le futur lanceur des satellites européens, jusqu'ici mis en orbite par des fusées américaines.