Et la dernière scène du film, seule note grave d'un ensemble étourdissant de gaîté, est, encore, un rappel douloureux des morts de ce bourbier dont l'Amérique, décidément, après un long silence, éprouve terriblement aujourd'hui le besoin de parler.

C'est une autre comédie musicale qui, sur le plan commercial, est la championne toutes catégories du hit parade : Grease. Bluette débile... mais dont la musique disco a provoqué un raz-de-marée chez les disquaires, Grease consacre — mais pour combien de temps ? — la souplesse incontestablement très photogénique de l'idole Travolta.

Grease parvient même, cette saison, à battre le traditionnel champion Walt Disney — en deuxième position avec Cendrillon, mais également présent avec Le chat qui vient de l'espace, Peter et Elliott le dragon et la reprise de Bambi. Mieux encore : Travolta l'emporte sur... Superman, qui arrive en troisième position. Un conte de fées tourné à prix d'or (le moindre des postes n'étant pas le cachet, pour quelques minutes de présence à l'écran, de Marlon Brando super...star), mais dont la naïveté au premier degré et la perfection des effets spéciaux ont séduit les cœurs d'enfants de tous âges.

Le rétro toujours

Si les films-catastrophes sont en perte de vitesse (Les dents de la mer no 2 n'ont connu qu'un succès relativement limité, de même qu'Avalanche et autres Damien), le rétro est toujours à l'honneur. Et c'est tant mieux quand il inspire un film aussi plaisant, dans son humour très britannique et sa reconstitution très fidèle de l'Angleterre victorienne, que La grande attaque du train d'or, de Michael Crichoton, qui métamorphose, aux côtés de l'ex-James Bond Sean Connery, l'ex-don Juan fellinien Donald Sutherland en truand aux mains de prestidigitateur.

Ou encore cette très divertissante adaptation d'un roman d'Agatha Christie, Mort sur le Nil, qui regroupe, sous la direction de John Guillermin, une foule de vedettes internationales en croisière au pied des Pyramides... Et aussi Agatha, de Michel Apted, où Vanessa Redgrave incarne, face à Dustin Hoffmann, la célèbre romancière dans un épisode authentique de sa vie.

Dans la même veine, mais avec, cette fois, un ton plus franchement parodique, Le privé de ces dames, de Robert Moore, est un amusant pastiche des films où jouait Bogart, et Le grand frisson de Mel Brooks, un clin d'œil plus respectueux qu'insolent au grand maître Hitchcock. Mais, dans le domaine du rétro, c'est un vieux routier qui domine : Billy Wilder. Avec une superbe et baroque Fedora (Marthe Keller), évocation somptueuse de l'univers des stars à la Garbo qui ne voulaient pas vieillir...

Encore un voyage dans le passé, mais cette fois dans l'immensité des terres à blé texanes, merveilleusement photographiées par Nestor Almendros, le chef opérateur préféré de François Truffaut : les lumineuses Moissons du ciel, de Terrence Malik, l'une des révélations de l'année.

Peinture réaliste

L'Amérique d'aujourd'hui est toutefois le plus souvent au centre de la plupart des films importants de la saison : Norma Rae, où Martin Ritt décrit l'existence d'une ouvrière du textile, extraordinairement interprétée par Sally Field, et son apprentissage du combat syndical. Syndicalisme encore dans Fist, de Norman Jewison, rude évocation de la vie de Jimmy Hoffa et du syndicat des camionneurs, avec un efficace Silvester Stallone (moins convaincant dans son propre film La taverne de l'enfer).

Condition ouvrière toujours dans Blue collar, remarquable description de la vie dans une usine américaine d'aujourd'hui, qui révèle un cinéaste connu jusqu'alors pour ses scénarios (notamment celui de Taxi driver) : Paul Shrader. Un débutant qui prouve également sa maîtrise dans Hardcore, descente dans l'enfer de la pornographie californienne d'un puritain du Middle West, interprété par George Scott, même si le propos est moins convaincant.

Peinture réaliste toujours des cols-bleus américains, Les chaînes du sang, récit sensible, signé par l'auteur d'Un été 42, Robert Mulligan, de la tentative d'un jeune Italo-Américain de sortir du milieu familial et professionnel qui lui pèse. Évocation enfin de la misère des immigrés mexicains venus tenter leur chance aux États-Unis, dans Alambrista, de Robert Young.

Violence et tendresse

L'Amérique d'aujourd'hui et sa violence inspire également Les yeux de Laura Mars, d'Irvin Kershner, policier à la brutalité sophistiquée où Faye Dunaway campe une troublante photographe de mode, et Driver, de Walter Hill, un thriller violent où Isabelle Adjani trouve son premier rôle américain. Thriller encore, mais plus humoristique, dans L'argent de la banque, histoire très immorale d'un détournement d'argent opéré par le propre comptable de la banque, interprété avec malice par Elliott Gould.